“L’islamophobie est une arme d’intimidation”

Une entrevue avec l’écrivain français Pascal Bruckner sur son dernier essai: "Un racisme imaginaire. Islamophobe et culpabilité ". Une réflexion brillante et iconoclaste sur le concept d’islamophobie.
Pascal Bruckner JEAN-FRANÇOIS PAGA PHOTO

“Aujourd’hui, l’islamophobie est devenue une arme d’intimidation brandie tous azimuts par ceux qui s’échinent à anéantir toute parole critique de l’islam. Pour gagner la guerre contre l’intégrisme islamiste, il faut la mener d’abord dans le champ des idées. Il est impératif de démonter le procès en sorcellerie et refuser le chantage auquel nous soumettent les fondamentalistes islamistes. Ce combat est crucial pour l’avenir des démocraties occidentales.”

Dans un essai brillant et percutant, Un racisme imaginaire. Islamophobie et culpabilité (Éditions Grasset, 2017), l’écrivain et intellectuel français Pascal Bruckner déconstruit le concept si répandu d’islamophobie. Tout en dénonçant avec force la haine dont les Musulmans sont victimes en France et en Occident, l’essayiste démontre avec brio comment l’islamophobie est devenue une arme rhétorique puissante qui sert à faire taire toute critique de l’islam.

Auteur d’une vingtaine d’essais et d’une dizaine de romans qui ont connu un grand succès, traduits dans de nombreuses langues, Pascal Bruckner est l’un des plus importants essayistes français de sa génération.

Le 18 janvier dernier, un tribunal correctionnel de Paris a débouté deux associations françaises dites antiracistes, Les Indivisibles et Les Indigènes de la République, qui avaient intenté un procès en diffamation à Pascal Bruckner parce que celui-ci avait affirmé publiquement que ces deux organisations étaient des “complices idéologiques des assassins des journalistes de Charlie Hebdo“. Ce dossier n’est pas encore clos, les deux associations ayant fait appel de cette décision judiciaire en première instance.

Nous nous sommes entretenus récemment avec cet intellectuel non-Juif, défenseur acharné des valeurs de la laïcité.

Selon vous, l’”islamophobie” est un terme trompeur et galvaudé, instrumentalisé à des fins idéologiques par tous ceux qui veulent empêcher la moindre critique à l’endroit de l’islam.

Le mot “islamophobie” pratique un amalgame entre la persécution des croyants, qui est un crime, et la remise en cause d’une religion, qui est un droit. Cet amalgame est constamment remis en avant par les défenseurs du terme “islamophobie”. C’est pour cette raison que je remets en cause ce terme et que je pense qu’il est extrêmement dangereux de le véhiculer dans nos sociétés. Depuis trente-cinq ans, le terme d'”islamophobie” anéantit toute parole critique envers l’islam. Il a pour double finalité de bâillonner les Occidentaux et de disqualifier les Musulmans réformateurs.

Donc, le vocable d’”islamophobie” est devenu un bouclier juridique et politique qui permet de parer à toute critique de l’islam.

L’islamophobie a été inventée dans les années 80 pour être utilisée comme arme d’intimidation contre les contestataires de l’islam dans les pays occidentaux, et aussi dans des pays musulmans. Tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ce concept sont immédiatement traités de “racistes” et d’”islamophobes” et accusés de faire le jeu des colonialistes occidentaux. C’est une arme de destruction de tout débat démocratique. Il n’y a aucun doute là-dessus.

La photo illustrant la couverture de votre livre, une jeune femme musulmane aux yeux fermés et maquillés portant une burka aux couleurs nationales françaises, vous a valu maints déboires.

Oui. Cette page couverture a suscité de nombreuses protestations. On a qualifié mon livre de “brûlot d’extrême droite”. Au fond, dès qu’on n’est pas d’accord avec l’”orthodoxie” prédominante, on est immédiatement qualifié d'”idéologue d’extrême droite”. C’est un vieux subterfuge dont usent et abusent tous les polémistes. Vous êtes immédiatement envoyé à l’extrême droite, ce qui veut dire que vous n’avez pas le droit de parler et que votre parole est automatiquement disqualifiée.

Selon vous, les fondamentalistes islamistes ont provisoirement gagné la bataille du vocabulaire.

L’islamisme est une entreprise idéologique néo-totalitaire. Le fascisme et le communisme nous ont enseigné que celui qui détient les clés du langage détient aussi les esprits. Le combat en cours aujourd’hui est d’abord philosophique: quiconque s’empare des mots s’empare des cerveaux et installe le mensonge au cœur de la langue. Donc, si les islamistes, peu importe qu’ils soient salafistes, wahabites, ou membres des Frères musulmans, arrivent à contrôler le langage, ils arriveront aussi à contrôler les esprits. Pour eux, c’est une manière d’éviter que l’islam soit la cible de la moindre critique. Donc, des trois monothéismes, l’islam est le seul qui soit intouchable.

Dans ce rude combat pour contrôler les esprits, les islamistes bénéficient d’un allié de taille: l’ultra-gauche.

Une grande partie de l’ultra-gauche, qui exulte d’avoir trouvé dans l’islam la religion des opprimés et un prolétariat de substitution, s’est précipitée sur la notion d’”islamophobie” comme s’il s’agissait d’un nouveau racisme. Cette manie de chercher partout de nouveaux racismes pour dresser des interdits et intenter des procès à ceux qui osent critiquer l’islam est très caractéristique de notre époque. Mais, force est de rappeler que la gauche a tout perdu, l’URSS, la classe ouvrière, le tiers-monde… Il ne lui reste que l’islam, non pas dans sa version modérée et privée, mais dans sa version extrémiste et djihadiste. Donc, les anciens trotskistes et maoïstes sont ravis de nous expliquer que les terroristes islamistes ne sont pas des assassins mais tout simplement des victimes du monde occidental et, qu’en réalité, nous, Occidentaux, sommes les seuls responsables de la dérive de ces jeunes musulmans.

En France, l’antisémitisme musulman n’est-il pas banalisé?

D’après les statistiques établies par le ministère de l’Intérieur, en France, en 2016, les actes antisémites et antimusulmans ont connu une baisse significative au détriment des actes antichrétiens, qui ont augmenté de façon exponentielle. L’antisémitisme classique de l’extrême droite et l’antisémitisme idéologique de l’extrême gauche, parce qu’évidemment c’est le même phénomène délétère —l’extrême droite déteste les Juifs au nom de la nation, l’extrême gauche les exècre au nom de l’anticapitalisme—, ont été considérablement endigués. L’antisémitisme émanant de l’extrême droite a été mis sous le boisseau grâce au travail accompli par l’école, l’éducation, la projection d’un certain nombre de documentaires et de films consacrés à la Shoah, la publication de livres relatant cet effroyable génocide au cours duquel un tiers du peuple juif a été exterminé… En revanche, l’antisémitisme musulman est nouveau dans le champ politique français. Celui-ci se pare du combat pour la reconnaissance des droits du peuple palestinien et la protection des minorités musulmanes opprimées.

Les élites politiques, intellectuelles et médiatiques françaises ne sont-elles pas enclines à minimiser l’antisémitisme musulman?

On a beaucoup de mal à formaliser l’antisémitisme musulman parce qu’un bon nombre de “grandes âmes humanistes”, particulièrement de gauche, estiment qu’il est inconcevable que des sémites, en l’occurrence les Arabes, soient antisémites. On joue ainsi sur la fameuse confusion: les Arabes et les Juifs sont des sémites. On invoque aussi une autre justification, totalement fallacieuse: comment des opprimés pourraient-ils être racistes? Or, toute l’histoire des cinquante dernières années nous montre que les opprimés peuvent devenir aussi d’excellents oppresseurs dès lors qu’ils accèdent au pouvoir. Il n’y a donc pas de privilège ontologique substantiel du fait d’avoir été un jour colonisé, ou opprimé. On peut très bien devenir oppresseur et bourreau. Il y a une sorte de déficience cognitive des élites politiques et médiatiques, qui ne peuvent penser l’antisémitisme que comme étant le produit exclusif de l’extrême droite. Un journaliste français a dernièrement confié qu’il avait espéré follement que les attentats contre les journalistes de Charlie Hebdo et le Bataclan aient été perpétrés par des commandos d’extrême droite et non par des djihadistes musulmans. Il était désespéré lorsqu’il a appris la vraie identité des tueurs.

 

Vous rappelez dans votre livre qu’en France nombreux sont ceux qui mettent sur un pied d’égalité antisémitisme et islamophobie, à un moment où le premier fleurit dans l’ensemble du monde arabo-musulman sous le nom d’antisionisme.

Le grand paradoxe c’est qu’en dépit du fait qu’ils haïssent foncièrement les Juifs, les islamistes sont fascinés par ces derniers. Ce qui les fascine, c’est qu’un peuple aussi peu nombreux sur terre puisse être aussi connu, aussi célèbre et aussi détesté. Il y a donc incontestablement chez les islamistes radicaux une sorte de rivalité mimétique avec les Juifs, nourrie par leur antisémitisme maladif. Les idéologues radicaux s’escriment à mettre sur le même niveau islamophobie et antisémitisme en expliquant, comme le fait par exemple Tariq Ramadan, que les Musulmans en 2017 sont les Juifs des années 30 et 40. Ce que ces idéologues obtus oublient, c’est que dans les années 30 ou 40 les Juifs ne jetaient pas des bombes dans les aéroports, les gares ou les centres commerciaux et n’égorgeaient pas des prêtres catholiques. Ce que ces idéologues jusqu’au-boutistes oublient aussi, c’est que le but des Juifs lorsqu’ils ont émigré en France, ou dans d’autres pays occidentaux, dans les années 20 et 30, n’était pas de se séparer mais, au contraire, de s’intégrer dans leur nouveau pays d’accueil. Et on oublie aussi une autre chose capitale: l’antisémitisme n’est pas relié à la religion, mais au fait d’être Juif, d’être né Juif. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, on pouvait être un Juif athée, on n’en restait pas moins, aux yeux de la propagande nazie, un être maudit.

Ces différences sont, à mon avis, fondamentales pour ne pas confondre les termes “antisémitisme” et “islamophobie”. À partir du moment où on établit une équation entre un Musulman en 2017 et un Juif en 1930-1940, on confère un label de légitimité au postulat hideux selon lequel les Juifs ont démérité de leur statut de victime à cause de la naissance de l’État d’Israël et, surtout, à cause de leur réussite sociale. Comme l’a expliqué l’historien et philosophe Enzo Traverso: “les Juifs n’ont qu’un tort: ils ont blanchi”. Le terme “blanchi” signifie que le blanc est la couleur du dominateur, c’est-à-dire la couleur maudite, et que la position d’outsider que tenaient les Juifs autrefois est désormais tenue par les Arabes et les Noirs. Un troisième terme s’est greffé à ce raisonnement abject: “nazi”. Avec la création d’Israël, les Juifs sont devenus des “nazis” et les Palestiniens sont devenus des “Juifs”. Donc, on “judaïse” les Palestiniens et on “nazifie” les Israéliens. On obéit ainsi à la fois au principe d’équivalence et au principe d’élimination. On élimine les Juifs de leur position de victimes en faisant d’eux des bourreaux.

Dans votre livre, vous citez un passage du livre “L’imprescriptible”, consacré à l’antisionisme, du grand philosophe juif Vladimir Jankélévitch (pp. 19-20). “L’antisionisme est une introuvable aubaine car il vous donne la permission et même le droit et même le devoir d’être antisémite au nom de la démocratie! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre: ils auraient mérité leur sort”, écrit Vladimir Jankélévitch.

Vladimir Jankélévitch a très bien senti ce qui émane réellement de la haine profonde que les antisionistes vouent à Israël. Les Israéliens sont les premiers à critiquer leur gouvernement en permanence, parce qu’Israël est une démocratie, contrairement aux pays qui l’entourent. Il est vrai qu’on a parfaitement le droit de détester le gouvernement Netanyahou, de penser qu’Israël va à sa perte en n’encourageant pas la création d’un État palestinien, ça ne fait pas pour autant de nous des ennemis de l’État d’Israël. Ce que les antisionistes critiquent avec véhémence, ce n’est pas la politique de tel ou tel autre gouvernement israélien, mais l’essence existentielle d’Israël, un pays qui, selon eux, est fondé sur un acte d’illégitimité, c’est-à-dire sur une imposture, un vol, un viol. Leur antisionisme obsessif consiste à dire tout simplement que les Juifs n’ont pas droit à un État sur cette partie du Moyen-Orient parce que celle-ci est une terre musulmane où toute présence non musulmane, ou non arabe, doit se soumettre au statut de dhimmi, ou alors être déclarée illégitime. Toute personne a le droit de critiquer sévèrement Israël, mais on voit bien que derrière les critiques fulminantes des antisionistes, c’est l’existence même de l’État hébreu qui est remise en cause.

Récemment, vous avez été l’un des signataires, avec une quinzaine d’autres intellectuels français, dont Alain Finkielkraut, Élisabeth Badinter, Michel Onfray, Marcel Gauchet… d’un appel pour que la lumière soit faite sur le meurtre de Sarah Halimi, une Juive française de 65 ans torturée à son domicile aux cris d’”Allah Akbar” puis défenestrée. Pourquoi ce meurtre antisémite commis en pleine campagne présidentielle a-t-il été complètement banalisé?

Un brouillard total a enseveli ce crime crapuleux. D’après une enquête journalistique menée par la philosophe et journaliste Alexandra Laignel-Lavastine, corroborée depuis par d’autres journalistes, Sarah Halimi est tombée sous les coups d’un fanatique islamiste, qui a commencé par psalmodier des versets du Coran et l’a ensuite torturée pendant une heure avant de la jeter par la fenêtre. Curieusement, ce crime odieux, perpétré en pleine campagne présidentielle, aurait dû soulever une grande vague d’indignation. Étonnamment, ce meurtre n’a suscité aucune curiosité, ni protestation. Ce n’est que lorsque nous avons publié cet appel que des journaux ont commencé à s’intéresser à cet assassinat qui était considéré jusque-là comme un simple accident. Le silence abyssal entourant le meurtre de Sarah Halimi nous rappelle éloquemment que pour une certaine idéologie de gauche, il est impensable qu’il puisse y avoir un antisémitisme musulman, tout antisémite étant forcément d’extrême droite, un suprémaciste blanc, un héritier de Hitler et Goebbels. Peu importe que l’assassin de Sarah Halimi soit un Musulman qui a été endoctriné dans une mosquée de Paris. Cette réalité est insupportable pour un bon nombre de progressistes de gauche, et de droite aussi. Donc, on a préféré passer ce sinistre événement sous silence. Depuis 2012, dix citoyens français juifs ont été assassinés par des islamistes parce qu’ils étaient Juifs: des victimes de Mohamed Merah à celles tuées dans le magasin israélite Hypercasher en passant par celles abattues au Musée juif de Bruxelles et le jeune Ilan Halimi, torturé par le “gang des barbares”. Dix Français juifs assassinés lâchement par des islamistes, ça pose quand même un problème! On ne peut pas éluder ces crimes épouvantables. Imaginons un instant qu’on ait tué dix Musulmans parce qu’ils étaient Musulmans. On dénoncerait vigoureusement ces crimes à juste titre. En France, quand on tue des Juifs tout simplement parce qu’ils sont Juifs, les Musulmans se plaignent d’être victimes d’islamophobie. Ce deux poids deux mesures est effarant.

En France, les pouvoirs publics n’ont-ils pas, pendant de nombreuses années, affiché une attitude laxiste au chapitre de la lutte contre l’antisémitisme?

C’est vrai, il y a eu un grand laxisme en matière de lutte contre l’antisémitisme pendant les années où Lionel Jospin gouvernait la France. La situation a dégénéré à partir de l’automne 2000, après l’éclatement de la deuxième Intifada palestinienne. Durant la présidence de Nicolas Sarkozy, la situation s’est quelque peu améliorée. François Hollande et Manuel Valls se sont mobilisés avec entrain pour combattre l’antisémitisme. Ils ont pris des mesures draconiennes pour renforcer la sécurité aux abords des synagogues et des centres communautaires juifs. Manuel Valls a pris conscience de ce problème et l’a énoncé explicitement. C’est pourquoi on le dénonce comme étant un “ami des Juifs”, un “vendu au communautarisme”. Pendant la dernière campagne présidentielle, on a distribué des tracts l’accusant d’être entre les “mains des Juifs”. Les Indigènes de la République, une organisation parafasciste, a reproché au gouvernement socialiste de François Hollande de pratiquer un “philosémitisme d’État”, c’est-à-dire de protéger les Juifs français, “ces enfants chéris de la République” préposés à défendre “le corps blanc” et “l’infrastructure raciale de l’État nation” au lieu de ne se soucier que des vrais humiliés, les Musulmans. Les Indigènes de la République a demandé également la séparation du CRIFConseil représentatif des institutions juives de France— et de l’État. On retrouve ainsi de façon subreptice, par un autre canal, la phraséologie que l’on martelait dans les années 30 et 40. Le fascisme est passé intégralement du côté de l’islam radical. Ce sont toujours les Juifs qui sont pris comme cible. Les islamistes emploient les mêmes méthodes et une rhétorique assez voisine de celle utilisée par les fascistes dans les années 30 et 40.

Alors que l’islamisme le plus radical a le vent en poupe dans le monde arabo-musulman, croyez-vous à l’avènement d’un islam des Lumières, prôné par des intellectuels musulmans progressistes, mais certes très minoritaires?

Ce sera un combat très long et très difficile, mais qui a déjà commencé dans le monde arabo-musulman. C’est un mouvement irréversible. En Algérie, le mouvement des “déjeûneurs”, constitué de Musulmans qui ne veulent pas jeûner pendant le Ramadan, a vu le jour cette année. En Tunisie, des citoyens souhaitant aussi boire et manger pendant le Ramadan ont saisi la justice. Un mouvement analogue existe aussi chez les Kabyles, en Algérie. En Égypte, il y a aujourd’hui un mouvement des athées. Désormais, le monde arabo-musulman est traversé par un certain nombre d’aspirations à la liberté de culte, c’est-à-dire à la liberté de croire, ou de ne pas croire, en Dieu. Ce long et ardu combat prendra plusieurs générations parce que les radicaux vont s’insurger et sombrer probablement dans une violence aussi effroyable que celle de Daesch et d’Al-Qaïda. Mais j’ai l’impression que la division, la fameuse Fitna que redoutent tant les théologiens musulmans, est désormais bien enracinée dans le monde arabo-musulman. De plus en plus de fidèles musulmans vont exiger qu’on leur fiche la paix, qu’on leur laisse croire, ou ne pas croire, en Dieu, faire ou non Ramadan, aller ou non à la mosquée, porter ou non le voile… C’est un mouvement imparable qui est la résultante d’un autre phénomène plus tragique: le chaos dans lequel le Moyen-Orient et le Proche-Orient sont aujourd’hui plongés. Les sociétés arabo-musulmanes ont de plus en plus de mal à vivre avec une vision dogmatique de l’islam.

Pourtant, les révoltes du “printemps arabe” dans un bon nombre de pays arabo-musulmans ne se sont-elles pas avérées de cuisants échecs socio-politiques?

La récente mise au ban du Qatar par l’Arabie saoudite et les pays du Golfe rajoute encore un échelon supplémentaire à cette division que nous devons encourager parce qu’elle est aussi une forme de libéralisme. Il faut se souvenir que le christianisme, qui a été féroce en son temps et abominable, a mis quatre siècles à se réformer, à partir de la Renaissance, en passant par la Réforme, les Lumières, la Révolution française et la lutte absolument impitoyable que l’Église catholique a menée contre la République et vice-versa. Au Québec vous avez été aussi confrontés au même problème puisque l’Église catholique a été le ferment de l’identité nationale québécoise et du maintien de la langue française. Mais, au début des années 60, les Québécois en ont eu marre d’être sous la tutelle des prêtres et des évêques. L’islam suivra peut-être un mouvement semblable dans les années ou les décennies à venir.

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