La Cuba Judia de Zoé Valdés

“Comme leurs concitoyens non-Juifs, les Juifs de Cuba, qui forment une petite communauté de quelque 1000 âmes, se battent fougueusement pour survivre quotidiennement dans l’enfer castriste, où la répression politique, le rationnement alimentaire, le cynisme idéologique d’un régime dictatorial impitoyable, la prostitution de jeunes adolescent(e)s aux abois… sévissent cruellement dans un pays en pleine déliquescence.”

Zoé Valdés 

“Comme leurs concitoyens non-Juifs, les Juifs de Cuba, qui forment une petite communauté de quelque 1000 âmes, se battent fougueusement pour survivre quotidiennement dans l’enfer castriste, où la répression politique, le rationnement alimentaire, le cynisme idéologique d’un régime dictatorial impitoyable, la prostitution de jeunes adolescent(e)s aux abois… sévissent cruellement dans un pays en pleine déliquescence.”

Zoé Valdés 

La grande romancière, poétesse et scénariste cubaine Zoé Valdés -son oeuvre littéraire, constituée d’une trentaine de romans, a été traduite en 40 langues- ne fait pas dans la dentelle lorsqu’elle égrène ses réflexions sur la situation politique et sociale qui prévaut à Cuba.

Née en 1959 à La Havane, dans une famille Catholique, et interdite de séjour à Cuba depuis 1995, Zoé Valdés vit en exil à Paris. Cette dissidente invétérée est une des plus célèbres et farouches opposantes au régime castriste.

Zoé Valdés a grandi dans un quartier populaire de La Havane, la Calle Muralla de la Plaza Vieja, où beaucoup de Juifs européens ont établi leurs pénates dans les années 40, une époque lugubre où les persécutions nazies battaient leur plein dans les pays du Vieux Continent envahis par la soldatesque du IIIe Reich hitlérien.

“J’ai côtoyé des Juifs pendant toute mon enfance. La Calle Muralla de La Havane nous l’appelions la Calle de los Judios Polacos -la Rue des Juifs Polonais, appellation désignant les Juifs ashkénazes-. Dans ce quartier populaire, des immigrés Juifs, originaires des pays d’Europe centrale et de l’Est, chinois et irlandais cohabitaient très harmonieusement. Mon grand-père était un Chinois natif de Canton. Les fruiteries chinoises jouxtaient les établissement commerciaux juifs et les boucheries irlandaises. Les Juifs exerçaient les métiers de pelletier, imprimeur et tailleur, et étaient propriétaires des magasins de textiles. Ils tenaient aussi les librairies du quartier. Ces trois communautés immigrantes, qui s’escrimaient à perpétuer leurs traditions culturelles et religieuses, vivaient et commerçaient ensemble dans un esprit fraternel. J’ai grandi en respirant l’odeur d’anis envoûtante qui émanait des murailles regorgeant de plantes de la Calle Muralla”, raconte Zoé Valdés en entrevue.

Essayant désespérément de fuir le régime hitlérien, de nombreuses familles juives originaires d’Allemagne et d’autres contrées européennes anéanties par le fléau nazi trouvèrent refuge à Cuba.

“En 1939, Federico Laredo Bru est passé sinistrement à l’Histoire pour avoir été le président cubain qui a interdit l’entrée sur l’Île à plus de 900 réfugiés Juifs allemands fuyant le nazisme, passagers du paquebot Saint-Luis. Ces réfugiés furent rapatriés de force en Allemagne. La majorité d’entre eux périrent dans les chambres à gaz nazies. Le successeur de Laredo Bru, Fulgencio Batista, fut le seul président en Amérique latine à avoir déclaré ouvertement la guerre à Adolf Hitler et permis à des bateaux transportant des réfugiés Juifs d’accoster dans le port de La Havane”, rappelle cette intellectuelle polyglotte, qui parle couramment le français.

Les Juifs cubains endurent depuis cinquante ans l’antisionisme viscéral du régime castriste.

“L’antisionisme débridé des Castristes revêt souvent les oripeaux hideux de l’antisémitisme”, affirme Zoé Valdés.

“Fidel Castro a toujours été très anti-Israël. Il a maintenu fermé pendant de nombreuses années la Synagogue de La Havane. Dans les années 70, la Cuba de  Fidel Castro fut le premier pays du bloc communiste et du mouvement des nations non-alignées à accueillir à bras ouverts l’Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.) de Yasser Arafat, un mouvement très radical, dont la marque de commerce était la pratique tous azimuts d’un terrorisme aveugle et très meurtrier, qui a coûté la vie à des milliers de citoyens civils israéliens. L’O.L.P. avait un bureau de représentation très actif à La Havane. Fidel Castro négocia à un prix très élevé le départ des Juifs cubains vers Israël. Les années 70 furent particulièrement éprouvantes pour les Juifs cubains. Les conseillers soviétiques présents à Cuba, qui étaient très antisémites, encourageaient les autorités castristes à afficher ouvertement leur hostilité à l’endroit de l’État d’Israël. Cet antisémitisme échevelé a eu des répercussions très néfastes sur la vie quotidienne des Juifs cubains.”

Selon Zoé Valdés, à Cuba, l’antisémitisme émane des cénacles politiques castristes et non de la population.

“Les Cubains, qui sont un peuple métissé, ne sont pas antisémites. Leurs origines espagnole, africaine, européenne, chinoise… les ont toujours prédisposés à bien accueillir les étrangers.”

Des Juifs militaient-ils dans les rangs du Parti Communiste cubain?

“Non, les Juifs étaient exclus des activités politiques du Parti Communiste cubain. Saul Yelin était une figure marquante de l’intelligentsia cubaine. Au début des années 70, ce réputé cinéaste juif très aimé par le peuple cubain, proche ami du célèbre cinéaste italien Bernardo Bertolucci, souhaitait adhérer au Parti Communiste. Il demanda une carte de membre. Fidel Castro refusa catégoriquement de la lui octroyer en prétextant sans la moindre gêne qu’un Juif ne pouvait pas être communiste. Saul Yelin décéda peu de temps après d’un infarctus. À son enterrement, son ami, l’écrivain Alfredo Guevara, déclara très courageusement: “Saul a été victime d’un crime politique odieux”.”

La Synagogue de La Havane réouvrit ses portes au début des années 90, dans la foulée du regain de religiosité que la société cubaine a connue après l’effondrement de l’U.R.S.S., qui s’est traduit par la réouverture de nombreuses Églises.

D’après Zoé Valdés, aujourd’hui, les Juifs cubains partagent “la même destinée funeste” que leurs concitoyens non-Juifs: “survivre dans un enfer morbide, où la vie est chaque jour plus difficile”.

La Cuba des Castro est un “pays exsangue en plein naufrage”, renchérit l’écrivaine.

Mais l’embargo économique américain, décrété par le gouvernement de John Kennedy en 1962, ne rend-il pas plus ardues les conditions de vie de la population cubaine?

“C’est l’exutoire rabâché par les Castristes depuis cinquante ans. Il faut rappeler que cet “embargo”, qui est contourné aisément via le Mexique et le Venezuela, ne s’applique pas aux médicaments ni aux produits agricoles. En 2008, durant la présidence de George Bush, le gouvernement cubain a acheté 710 millions de dollars américains d’aliments et de produits agricoles. Mais ces vivres ont été consommés par les Castro et leurs apparatchiks zélés et non par le peuple cubain, qui lui crève de faim. Tout ce qui est acheté par le gouvernement cubain, c’est pour les Castro et leurs amis. Le peuple cubain n’a même pas droit à des miettes. Aujourd’hui, Cuba n’est pas un pays mais une grande ferme. La ferme des Castro!”

Le regard que Zoé Valdés porte sur la Cuba du début de la deuxième décade du XXIe siècle est des plus décapants.

“Cinquante ans après une révolution qui fut prétendument faite pour éliminer la pauvreté, éradiquer l’analphabétisme, créer un pays qui serait un modèle mondial de développement économique et social, eh bien, nous pouvons affirmer que la seule chose à porter au crédit de cette révolution a été un appauvrissement accru et l’aggravation de la misère, qui s’est étendue à l’ensemble de l’Île. Changeons le mot alphabétisation par celui d’endoctrinement communiste, ce qui fait qu’aujourd’hui les Cubains occupent un des derniers rangs en développement de toute nature.”

D’après l’écrivaine, la médecine cubaine s’est avérée aussi “un grand échec” car les Castristes ont violé l’éthique médicale, en utilisant la médecine comme une affaire entre gouvernements de la région.

“N’importe quel étranger peut jouir avec ses devises des hôpitaux cubains, ce qui est interdit aux Cubains”, dit-elle.

Les salaires comparés à ceux qui étaient en vigueur dans les années 50, avant la révolution castriste, sont “honteux”, ajoute-t-elle avec une pointe de colère.

“Tel est l’héritage du castrisme. Le peuple cubain embastillé devra se battre sur ce bilan piteux. Sans compter les séquelles psychologiques: les traces que l’impitoyable répression politique castriste laissera pour toujours sur chaque Cubain. Espérons que ce calvaire ne soit pas trop long.”

Ce qui répugne profondément Zoé Valdés, c’est la prostitution d’adolescentes et adolescents qui, selon elle, est “tolérée, et même encouragée” par le régime castriste.

“Cette prostitution juvénile, qui génère beaucoup de devises étrangères et encourage la pédophilie -un fléau qui ne cesse de proliférer à Cuba-, est l’échec le plus pitoyable du régime totalitaire forgé par les Castro. Cette sinistre réalité sociale flétrit la dignité humaine des Cubains.”

Pour Zoé Valdés, les centaines de milliers de touristes étrangers qui déferlent chaque année sur les plages de Cuba “contribuent indirectement” à renforcer le régime répressif castriste.

“La majeure partie des revenus provenant du tourisme vont directement dans les poches du régime des Castro. Cet argent n’est pas utilisé pour améliorer les conditions de vie très lamentables du peuple cubain, mais pour renforcer la machine politique, militaire et idéologique qui opprime chaque jour plus les Cubains.”

Zoé Valdés a publié dernièrement un essai-réquisitoire vitriolique contre le régime castriste: La Fiction Fidel (Éditions Gallimard).  


In an interview, Cuban writer Zoé Valdés, who now lives in France, talks about life in Cuba, a country that is anti-Zionist and anti-Semitic.

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