MONTREAL — Une Conférence internationale entièrement consacrée aux Langues judéo-espagnoles s’est tenue récemment à l’U.N.E.S.C.O. – Organisation des Nations Unies pour l’Édu-ca-tion, la Science et la Culture-, à Paris.
L’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la Hakétia, judéo-langue vernaculaire parlée jadis dans les localités hispanophones du Nord du Maroc, Solly Levy, a participé à cette Conférence.
“Le fait que dans une Conférence internationale dédiée aux langues judéo-espa-gnoles, organisée par l’U.N.E.S.C.O., les deux -branches du judéo-espagnol soient inscrites l’une à côté de l’autre, en parfaite égalité, au Programme de ce Forum académique constitue un énorme progrès pour les Communautés hispano-marocaines vivant aujourd’hui dans les quatre coins du monde. Évidemment, ce progrès important n’est pas le résultat du labeur d’une seule personne. Nous devons reconnaître l’impact qu’ont eu, et continuent à avoir, des Organisations et des personnes qui luttent depuis de nombreuses années pour la préservation et le maintien de la Hakétia, une langue sérieusement menacée d’extinction”, a declaré Solly Levy avant la tenue de cette Conférence internationale sur les Langues judéo-espagnoles.
Écrivain, comédien, humoriste -son one-man show Sollyloques, présenté en judéo–espagnol, en français et en anglais, a séduit un large public au Canada, en Espagne, en France et en Belgique-, metteur en scène de nombreuses pièces de Théâtre, fondateur et Directeur de deux Chorales musicales -la Chorale Kinor de la Communauté sépharade de Montréal et la Chorale liturgique Hallel Vezimra du Sephardic Kehila Centre de Toronto-… Solly Levy est une figure marquante du Monde culturel sépharade.
Ce brillant créateur culturel, qui s’est établi avec sa famille à Toronto en l’an 2000 après avoir vécu à Montréal une trentaine d’années, est considéré comme l’un des plus fins connaisseurs de la Hakétia.
Il est l’auteur de plusieurs livres sur l’Histoire de cette judéo-langue vernaculaire.
En 2008, Solly Levy a publié un livre écrit en Hakétia, à forte saveur autobiographique, El Libro de Selomó (Édiciones Hebraica de Madrid).
Un bijou littéraire et une pure délectation pour tous ceux et celles qui sont familiers avec la Hakétia.
Solly Levy anime un Programme hebdomadaire sur les ondes de Radio Sefarad Madrid. Dans ces émissions, regroupées sous la Rubrique “Tiempo de Sefarad ”-le “Temps de Séfarade”-, il relate chaque semaine sa vie, en Hakétia, à quelque 50000 auditeurs, dont la majorité sont des Espagnols non-Juifs. Ces récits ont constitué la matière première de El Libro de Selomó.
Solly Levy vient de publier le deuxième Volume du Libro de Selomó.
Au cours d’une entrevue qu’il nous a accordée à l’occasion de la parution du premier Volume du Libro de Selomó, nous avions demandé à Solly Levy d’expli-quer à nos lecteurs ce qu’est la Hakétia?
“Essayons de brosser un rapide portrait de ce parler qui remonte, selon José Benoliel (1888-1937), linguiste polyglotte Tangérois, Alegría Bendelac et María Antonia Bel Bravo, historienne et grande spécialiste espagnole de la Philologie juive, aux lendemains de l’Expulsion des Juifs d’Espagne, au tout début de l’installation des Juifs espagnols au Maroc. Tandis que le Ladino, langue parlée et écrite par les Judéo-Espagnols des pays balkaniques, ajoute à sa base castillane de fréquents emprunts au turc, au grec, à l’italien, à l’hébreu et au français, les composantes de la Hakétia, telle qu’on la parlait encore au Maroc vers le milieu du siècle dernier, sont, par ordre décroissant d’importance quantitative: l’espagnol contemporain, l’espagnol médiéval, l’arabe dialectal marocain et l’hébreu biblique.
“Les emprunts à l’arabe sont beaucoup plus nombreux que les hébraïsmes. La plupart des chercheurs sont d’accord pour dire avec José Benoliel que le terme même qui désigne cette langue viendrait du verbe arabe Haka, qui veut dire raconter, relater un récit d’une façon spirituelle.”
Le Ladino et la Hakétia sont donc deux Langues judéo-espagnoles bien différentes?
“Oui, répond Solly Levy. Mais, il faut souligner le fait que le terme Ladino est depuis de longues années l’objet d’une querelle glottonymique (c’est-à-dire une querelle concernant l’acception qu’il faut lui donner). D’une part, les puristes, sous la bannière du plus célèbre linguiste spécialisé en judéo-espagnol, Haïm Vidal Sephiha, affirment que le Ladino ne désigne que “le judéo-espagnol calque”, utilisé dans la traduction mot à mot de textes bibliques et liturgiques. Donc, une langue exclusivement écrite. D’autre part, en Israël, ce terme dé-signe toute forme -parlée ou écrite- de judéo-espagnol des pays balkaniques et de l’ancien Empire Ottoman.”
At an international conference on Judeo-Spanish languages recently held by UNESCO in Paris, one of the participants was Canadian author, filmmaker and comic Solly Levy, who is a world-renowned specialist in Hakétia, a Judeo-Spanish language formerly spoken in northern Morocco.