La Communauté sépharade institutionnelle du Québec célébrera cet automne le 50ème anniversaire de sa fondation.
Marc Kakon
Marc Kakon, qui amorce la deuxième année de son mandat de président de la Communauté sépharade unifiée du Québec (C.S.U.Q.), nous a parlé en entrevue des principaux défis que cette institution devra relever au cours des prochaines années et livré sa vision de l’avenir du Séphardisme au Québec.
Canadian Jewish News: Quel est votre bilan de votre première année de présidence de la C.S.U.Q.?
Marc Kakon: Notre plus gros défi est de remotiver la Communauté sépharade et de lui donner une nouvelle direction. Dès que j’ai entamé mon mandat de président de la C.S.U.Q, il y a un an, je me suis fixé un objectif de taille: éponger le déficit structurel que la C.S.U.Q. avait accumulé au fil des années et le ramener à zéro. Sur le plan financier, une Communauté institutionnelle doit être administrée et gérée avec beaucoup de rigueur, comme une entreprise privée à but lucratif. Une Communauté institutionnelle ne peut pas se permettre d’enregistrer des déficits d’opération. Nous avons donc pris une série de dispositions pour résorber le déficit structurel de la C.S.U.Q., qui lors de mon arrivée dépassait les 100000$. À l’Assemblée générale de la C.S.U.Q du 30 septembre, le bilan que nous présenterons affichera un déficit de 6000$. Notre but est d’atteindre, et de maintenir au cours des prochaines années, un déficit zéro. On ne peut pas se permettre de faire des déficits. Au contraire, nous voulons dégager des profits, qui serviront à prodiguer une aide financière à des familles démunies de notre Communauté.
C.J.N.: Quelles mesures avez-vous prises pour réduire les coûts d’opération de la C.S.U.Q.?
M. Kakon: Nous avons diminué les salaires de nos cadres et restructuré plusieurs de nos programmes. Par exemple, cette année, nous avons relancé notre programme annuel des “Paniers de fêtes” -des aliments distribués à des familles nécessiteuses à la veille des principales fêtes juives- d’une manière beaucoup plus structurée et centralisée que dans le passé. J’ai convaincu les principales organisations sépharades qui aident des familles démunies, la Caisse Beth Yossef, des Synagogues… de se joindre à nous pour réaliser cette belle et noble Mitzvah. Nous avons ainsi mis à jour et centralisé les listes des familles dans le besoin que nous desservons. Ce qui nous a permis d’éviter des dédoublements de service. J’ai aussi relancé le Tournoi de Golf de la C.S.U.Q., qui n’avait pas eu lieu depuis trois ans. Armand Afilalo, qui a présidé cette année ce Tournoi, a fait un travail remarquable. Le résultat financier de cet événement sportif est très encourageant: 83000$ de profit net. Au chapitre de l’aide sociale, la C.S.U.Q. travaille étroitement avec l’Agence OMETZ de la FÉDÉRATION CJA…
C.J.N.: Le dossier “Éducation juive” est-il prioritaire pour la C.S.U.Q.?
M. Kakon: Absolument. L’Éducation juive a toujours été l’une des grandes priorités de la C.S.U.Q. Dès le début de mon mandat, j’ai fortement recommandé à toutes les Synagogues sépharades d’instaurer une “taxe scolaire”. Plusieurs Synagogues ont déjà entériné et mis en oeuvre cette recommandation. Ainsi, désormais, chaque membre du Kahal d’une Synagogue sépharade contribuera chaque année 25$ pour l’Éducation juive. La somme amassée sera versée à parts égales à l’École Maïmonide et à la Yéchiva Yavné. C’est une manière concrète de soutenir ces deux institutions éducatives, qui sont des creusets de transmission du riche héritage culturel sépharade.
C.J.N.: Pour la C.S.U.Q, les défis à relever sont plus grands en cette période économique difficile?
M. Kakon: Oui. La récente crise économique a fait très mal à notre Communauté. Beaucoup de familles juives sont confrontées aujourd’hui à des épreuves très difficiles. En ces temps d’austérité économique, nous avons l’obligation morale d’aider financièrement ces familles nécessiteuses. Il est vrai que beaucoup de donateurs ont vu leur capital financier diminuer à cause des débâcles boursières provoquées par la crise économique. Mais, tous ceux qui ont toujours les moyens financiers d’aider nos frères et soeurs dans le besoin, à Montréal ou en Israël, même s’ils ont perdu de l’argent, doivent être beaucoup plus généreux dans les moments difficiles, quand la pauvreté afflige bon nombre de nos coreligionnaires. Quand l’économie se porte bien, les choses sont plus faciles pour tout le monde. C’est maintenant, en ces temps de morosité économique, que nous devons absolument montrer notre solidarité inconditionnelle envers nos frères et soeurs dans le besoin.
C.J.N.: La Communauté sépharade du Québec fêtera cet automne son 50ème anniversaire avec un grand Gala. Parlez-nous de cet événement.
M. Kakon: Ce Gala aura lieu le 15 novembre prochain à l’Hôtel Windsor, au Centre-Ville de Montréal. Ce grand événement célébrera le 50ème anniversaire de la première Association sépharade au Québec, devenue cinq décennies plus tard la Communauté sépharade unifiée du Québec. Ce Gala, qui sera coprésidé par le Maire de Montréal, Gérald Tremblay, et le Ministre de l’Économie du Québec, Raymond Bachand, sera l’occasion pour remercier le Québec de nous avoir chaleureusement accueillis il y a 50 ans. Pour les Sépharades, le Québec est une Terre très hospitalière où ils ont eu des opportunités extraordinaires qui leur ont permis de se distinguer dans de nombreux domaines socio-professionnels. Ce Gala se déroulera sous le sceau de l’amitié et de la fraternité. Nous tenons aussi à remercier et à rendre hommage à notre pays natal, le Maroc, dont nous sommes les fiers héritiers de son Histoire, sa culture et son sens de la convivialité.
C.J.N.: Quel sera le programme de ce Gala?
M. Kakon: Ce sera une soirée mémorable et haute en couleurs. Des kiosques de tous les pays du Moyen-Orient où les Sépharades ont vécu seront installés dans la salle de réception de l’Hôtel Windsor, où nous accueillerons nos hôtes de marque, des personnalités officielles du Québec et des pays à l’honneur ce soir-là. Un cocktail dînatoire suivra, au cours duquel des mets traditionnels des pays représentés à cet événement seront servis. Au programme de cette soirée: un grand spectacle musical de deux heures, auquel prendront part des chanteurs et des musiciens exceptionnels du Québec, d’Israël… dont: Linda Thalie, chanteuse québécoise d’origine algérienne, Johana Monty, chanteuse et petite-fille de la célèbre chanteuse sépharade Lyne Monty, Shlomo Bar, musicien israélien très renommé, un jeune chanteur originaire du Maroc, Benjamin Bouzaglo, le réputé cantor Shimon Siboni… Sonia Benezra sera l’une des animatrices de ce Gala. Nous lancerons aussi ce soir-là un livre imposant et magistral de 600 pages, intitulé Le Livre Sépharade, dans lequel des Sépharades de diverses origines relatent leur parcours de vie et leur intégration dans la société québécoise. Pour clore le tout, du thé et des pâtisseries marocaines seront servies au kiosque du Maroc, sous une grande tente kaïdal.
C.J.N.: Parallèlement aux célébrations du 50ème anniversaire de la fondation de la Communauté sépharade, le Festival Sépharade se déroulera aussi cette année en novembre.
M. Kakon: Le Festival Sépharade de Montréal 2009, présidé par George Dayan, sera aussi clôturé lors de ce Gala. C’est pourquoi, exceptionnellement, le Festival Sépharade a été organisé cette année à l’automne et non durant l’été. Une excellente programmation, très variée et pour tous les goûts, sera à l’affiche: musique: Enrico Macias, Ishtar Alabina et les Gipsys, hommage à l’auteur-compositeur québécois d’origine sépharade Félix Gray; humour: l’inégalable Gad Elmaleh; théâtre: une pièce hilarante, “Mèches folles et Bigoudis”, mise en scène par Albert Maman; littérature: la romancière française Éliette Abecassis; colloques: les relations judéo-musulmanes au Maroc; la contribution des Sépharades à l’édification de l’État d’Israël… C’est un rendez-vous culturel à ne pas manquer et auquel nous convions les Montréalais et les Montréalaises de toutes les origines culturelles.
C.J.N.: En ces temps économiques ardus, organiser des événements de cette envergure, ça doit être une grande gageure sur le plan financier?
M. Kakon: On veut fêter en grand le 50ème anniversaire de la Communauté sépharade du Québec. Ces cinquante dernières années, les Sépharades n’ont pas vécu que des crises économiques, ils ont eu aussi beaucoup de bonheur dans cette belle Terre d’hospitalité et de générosité qu’est le Québec, qui les a accueillis à bras ouverts. C’est vrai que cette année nous devons composer avec une crise économique. C’est pour cette raison que nous avons sollicité des commanditaires généreux, qui ont accepté de sponsoriser ce Gala. Nous avons déjà recueilli 100000$ en commandites. Par ailleurs, les frais de participation à cette soirée -100$ par personne- nous permettront de couvrir intégralement les coûts de l’organisation de ce Gala. Pas un seul centime ne proviendra du budget de la C.S.U.Q.
C.J.N.: On peut légitimement se demander si les fonds qui seront dépensés pour organiser ce Gala, même si cette soirée est entièrement commanditée, n’auraient pas dû être utilisés à d’autres fins: créer une Fondation pour la culture sépharade, qui cinquante ans après la création de la Communauté sépharade institutionnelle du Québec n’a toujours pas vu le jour; parrainer un programme de bourses académiques destinées à des enfants sépharades issus de familles défavorisées… Certains seront probablement surpris que l’on célèbre la culture sépharade avec autant de faste et dans un lieu aussi huppé.
M. Kakon: Notre but est que ce Gala génère un profit qui servira à aider des familles démunies. C’est notre philosophie. Nous nous sommes fixé aussi le même objectif avec la Résidence Salomon, une institution hébergeant des personnes du troisième âge. Tous les profits engrangés par la Résidence Salomon serviront à financer des programmes sociaux destinés aux personnes et aux familles les plus défavorisées de notre Communauté.
C.J.N.: Le Gala du 15 novembre sera aussi pour vous une occasion pour remercier les bénévoles impliqués à la C.S.U.Q.?
M. Kakon: Tout à fait. Nos bénévoles, qui s’impliquent dans diverses causes communautaires avec beaucoup de dévouement et une conviction inébranlable, accomplissent un travail colossal. Sans leur implication constante, notre Communauté ne pourrait pas fonctionner, ni progresser. La moindre des choses, c’est de reconnaître le travail extraordinaire accompli par ces communautaires hors pair. La paye d’un bénévole, ce n’est pas un chèque mais un compliment, un merci. Dans le passé, les leaders sépharades étaient avares de compliments à l’endroit de nos bénévoles. Des pères et des mères de famille qui s’impliquaient bénévolement, qui mettaient au service de notre Communauté leur intelligence, leur argent et leur temps, on ne leur disait même pas merci. Moi, je tiens à remercier du fond du coeur ces bénévoles merveilleux. C’est ce que je ferai au cours du Gala du 15 novembre.
C.J.N.: L’épineuse question de la relève dans la Communauté sépharade vous préoccupe-t-elle?
M. Kakon: Pour la C.S.U.Q., renforcer l’identité sépharade de nos jeunes, c’est un dossier très prioritaire. C’est pour cette raison que nous avons initié il y a quelques mois un nouveau programme de formation du Leadership communautaire, auquel participent une quarantaine de jeunes adultes Sépharades. Chose certaine, aujourd’hui, les jeunes Sépharades veulent évoluer et s’épanouir dans un environnement communautaire beaucoup plus large. On ne peut pas les blâmer pour ça. Ces derniers ne veulent plus que leur culture et leur identité juives soient limitées au Séphardisme. Ils se définissent avant tout comme Juifs et non pas uniquement comme Sépharades. Dans les années à venir, nous, Sépharades, n’aurons pas d’autre choix que de bâtir, avec nos frères et soeurs Ashkénazes, une seule Communauté, au sein de laquelle les particularités de la culture sépharade seront préservées et valorisées. On ne peut pas continuer à réduire la judéité des Sépharades au Séphardisme. Si on on est Juif, on est Juif, peu importe que l’on soit Sépharade ou Ashkénaze! Il n’y a qu’au Québec qu’il existe un clivage entre Sépharades et Ashkénazes. Cette barrière culturelle a même disparu en Israël. Bâtir tous ensemble une seule Communauté forte et unie, c’est notre seul gage de survie pour l’avenir.
C.J.N.: Lors de votre accession à la présidence de la C.S.U.Q., vous aviez déclaré que vous souhaitiez consolider les relations entre la C.S.U.Q. et la FÉDÉRATION CJA. Où en êtes-vous dans ce dossier?
M. Kakon: La C.S.U.Q. a eu d’excellentes relations avec la FÉDÉRATION CJA durant la présidence de Marc Gold. Nous sommes persuadés que nos rapports seront tout aussi fructueux durant la présidence de Jack Hasen, qui est un ami personnel de longue date. Nous essayons de travailler étroitement ensemble, surtout dans les domaines où une coopération est fondamentale. Nous avons créé conjointement un Comité de travail qui a pour but d’élaborer de nouvelles approches pour consolider les relations entre la FÉDÉRATION CJA et la C.S.U.Q. Deux leaders communautaires sépharades très respectés, Henri Elbaz et le Dr Albert Kakon, représentent la C.S.U.Q. au sein de ce Comité de travail. Le but ultime est de trouver des voies pour travailler ensemble afin de bâtir une seule Communauté forte, unie et prospère. C’est un travail de longue haleine. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir ensemble pour atteindre cet objectif capital.
Marc Kakon, president of the Communauté sépharade unifiée du Québec, talks about the organization’s activities as it celebrates the Sephardi community’s 50th anniversary in the province.