Cinquante ans après le tournage d’Un homme et une femme, un film culte qui lui a valu en 1966 la Palme d’Or au Festival de Cannes et deux Oscars, le célèbre réalisateur français Claude Lelouch signe une nouvelle ode à la vie et à l’amour, Un +Une.
Cette magnifique et émouvante comédie sentimentale nous fait découvrir les paysages les plus exotiques de l’Inde à travers un voyage mystique entrepris par deux êtres désarçonnés en quête du bonheur ultime.
Deux grandes stars du cinéma français, Jean Dujardin, qui en 2012 s’est mérité l’Oscar du meilleur acteur pour sa mémorable prestation dans le film The Artist, et Elsa Zylberstein interprètent magistralement les rôles principaux de ce superbe road-movie sentimental.
Antoine (Jean Dujardin) est un compositeur célèbre macho et égocentrique. Lorsqu’il débarque en Inde pour orchestrer la musique d’une nouvelle version indienne de Roméo et Juliette, il est séduit par Anna (Elsa Zylberstein), l’épouse de l’Ambassadeur de France à New Delhi (rôle interprété par Christophe Lambert). Ensemble, ils vivront une incroyable aventure qui les mènera au fin fond de l’Inde, où ils trouveront la plénitude du bonheur dans les bras d’Amma, une icône indienne spirituelle qui a érigé l’amour en religion… Un voyage mystique bouleversant que Claude Lelouch a immortalisé avec brio avec sa caméra fébrile. Un pur régal pour l’œil!
Le tournage d’Un+Une débuta à Paris le 7 janvier 2015. Ce jour-là, des terroristes djihadistes perpétrèrent un abominable massacre dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo. Le film a pris l’affiche en France trois semaines après qu’une nouvelle tornade de terreur djihadiste déferle sur Paris. Bilan sinistre du vendredi 13 novembre 2015: 130 civils innocents sauvagement assassinés.
“Un+Une a été tourné et monté dans une France complètement déséquilibrée. Je voulais avec ce film donner de l’espoir aux Français. Je voulais absolument faire un film positif qui donne envie aux gens d’aimer la vie”, explique Claude Lelouch en entrevue depuis Paris.
Quel regard ce cinéaste chevronné, qui filme les aléas de la vie et du monde depuis 50 ans, porte-t-il sur notre époque nébuleuse où les menaces les plus lancinantes sont légion?
“Toutes les crises sont positives. Toutes les grandes choses ont été construites dans des moments difficiles. Je pense que la période que nous traversons actuellement est une crise d’enfants gâtés. On a trop de tout. Et, trop de cadeaux, tue le cadeau! On ne sait plus apprécier une chose parce que dans le monde de surabondance où nous vivons, tout est à notre portée instantanément. Il va falloir s’habituer à vivre entre enfants gâtés. Évidemment, dans une crise d’enfants gâtés, les gens malheureux sont encore plus malheureux qu’avant. C’est pourquoi ils se révoltent, souvent violemment. Quand Internet n’existait pas, les gens malheureux ne savaient pas qu’à l’autre bout du monde il y avait des gens supposément heureux qui avaient tout. Aujourd’hui, grâce à Internet et aux réseaux sociaux, ils le savent!”
Claude Lelouch est-il un cinéaste engagé socialement ou politiquement ?
“Non, je ne suis rien d’autre qu’un observateur, dit-il. Je suis un reporter de la vie. J’essaye de partager mes observations à travers le cinéma avec le plus grand nombre possible, ou le plus petit nombre, de personnes, dépendamment des succès de mes films. J’aime profondément la vie avec tous ses défauts. Je ne me permettrais jamais de donner des leçons de morale à qui que ce soit. Je me limite simplement à filmer des constats. Toutes les histoires que je narre dans mes films sont tirées d’histoires vraies. Tous les héros de mes films sont des gens que j’ai rencontrés ou que je connais personnellement. Je ne suis rien d’autre qu’un observateur qui aime la vie et qui a une ardente envie que celle-ci s’améliore.”
La recrudescence de l’antisémitisme en France l’inquiète-t-il?
“J’ai grandi avec ce phénomène délétère, rappelle-t-il. Mon père était Juif, ma mère était Catholique. Elle s’est convertie au judaïsme par amour pour mon père. J’ai vécu depuis mon enfance cet antisémitisme plus comme un avantage que comme un inconvénient. Cet horrible fléau m’a donné des forces pour essayer de faire prendre conscience de leur grossière erreur à toutes les personnes que j’ai rencontrées dans ma vie qui avaient des préjugés tenaces envers les Juifs. L’antisémitisme m’a donné de la force. Ça n’a pas été un handicap. Ce qui fait la grande force des Juifs, c’est qu’on a l’air de ne pas les aimer, mais, en même temps, on a beaucoup de respect pour eux. Le peuple juif s’est toujours nourri de cette haine qui au fond est de l’admiration. C’est un paradoxe incroyable!”
Comment Claude Lelouch envisage-t-il l’avenir des Juifs en France, une communauté qui vit aujourd’hui dans la peur et le désarroi?
“Rien ne me fera quitter la France parce que j’aime trop ce pays. Et, partir de France serait donner raison à ceux qui aujourd’hui s’acharnent à nous terroriser. Le problème de l’antisémitisme n’est pas nouveau. Celui-ci est éternel. Malheureusement, pour les Juifs, depuis 2000 ans, rien n’a changé et rien ne changera dans les siècles à venir. Les Juifs se nourriront toujours de ce rejet, qui est peut-être leur force principale.”
Claude Lelouch se rendra prochainement en Israël pour présenter Un + Une. Il compte de nombreux fans dans ce pays où les cinéphiles francophones sont chaque année plus nombreux.
Docteur Honoris causa de l’Université Ben Gourion de Beersheva, le cinéaste se dit très attaché à Israël, où il a séjourné de nombreuses fois.
“J’adore Israël. Ce petit pays fascinant est un laboratoire humain bouillonnant où se mélangent des hommes et des femmes issus de diverses cultures, toutes les croyances et toutes les religions. Israël est un pays qui nous fait côtoyer les contradictions les plus profondes. J’adore Jérusalem. Il y a un kilomètre carré à Jérusalem où toutes les contradictions du monde s’affrontent. Chaque fois que je sillonne les ruelles de cette ville sublime trois fois sainte, j’ai le sentiment d’être dans le nombril du monde.”
Claude Lelouch a tourné en Israël des séquences de plusieurs de ses films, notamment Toute une vie.
Le conflit israélo-palestinien et ses perspectives futures des plus sombres l’attristent beaucoup.
“Je suis peiné qu’on n’ait pas encore trouvé une solution pour qu’enfin la paix règne en Israël. Mais, je pense que le jour où il y aura la paix dans ce pays, Israël ne sera plus Israël. Cette contradiction permanente nous enjoint à comprendre les angoisses et les aspirations existentielles très légitimes des Israéliens. C’est aussi difficile de comprendre Israël que de lire la Torah, qui pour moi est incompréhensible. Pourtant, j’ai essayé plusieurs fois de lire la Torah. Dieu seul sait si ce Livre sacré obsède les Juifs du monde entier, qui s’échinent à trouver dans ses pages des réponses à leurs interrogations éternelles.”
Le film Un + Une est présentement à l’affiche à Montréal.