Nos enfants victimes de la cyberdépendance?

Le chercheur Amnon Jacob suissa publie un livre éclairant sur la cyberdépendance.

Spécialiste du phénomène des dépendances pathologiques, Amnon Jacob Suissa, professeur associé à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), vient de publier, avec la collaboration des chercheurs Jean-François Biron, Florence Millerand et Christine Thoër, un essai fouillé sur la cyberdépendance   —Sommes-nous trop branchés? La cyberdépendance (Presses de l’Université du Québec, 2017).

Il a répondu à nos questions par courriel.

Nos enfants sont-ils de plus en plus cyberdépendants?

“Nous assistons aujourd’hui à un nouveau paradigme entre la logique narrative, c’est-à-dire la culture du livre, et la logique technologique des écrans, de l’Internet et des réseaux sociaux. La culture du livre, c’est l’identité primaire, “la vraie”, alors qu’avec les réseaux sociaux, on parle d’identités multiples. Les études internationales confirment que la cyberdépendance se répand rapidement dans la mesure où les jeunes sont nés dans un environnement technologique qui les expose constamment à de multiples écrans”, explique Amnon Jacob Suissa.

Ainsi, plus de 30 % des enfants de moins de 2 ans ont déjà utilisé des écrans. 75% des jeunes âgés de moins de 8 ans vivent dans un domicile où il y a un ou plusieurs écrans. 20% des jeunes étudiants se considèrent dépendants de leur Smartphone, précise le chercheur.

“À cela, il faut ajouter deux déterminants sociaux importants: une forte désirabilité sociale et un contexte encourageant la performance à tout prix, voire une utilisation obsessive des outils technologiques (tablette, Iphone, jeux vidéo, réseaux sociaux) au détriment d’autres activités. Cette utilisation surabondante des technologies numériques explique pourquoi de plus en plus de jeunes souffrent de nomophobie, c’est-à-dire d’un sentiment de forte anxiété engendrée par la peur de rater des informations provenant du Web, perçues et ressenties comme incontournables.”

Cette cyberdépendance excessive nuit-elle à la capacité mémorielle et de concentration des jeunes?

“Oui. La sursollicitation des jeunes à trop d’informations nuit à leur capacité d’absorption et crée les conditions pouvant limiter leur capacité mémorielle. Les jeunes trop exposés aux écrans à un bas âge montrent plus de difficultés. Plusieurs chercheurs n’hésitent pas à établir des liens entre ces conditions et le déficit d’attention. Dans le cas des bébés âgés de moins de 3 ans, chaque heure d’exposition aux écrans pourrait entraîner dans le futur une diminution de leur vocabulaire, une faible participation en classe, une intimidation plus forte par leurs pairs et de faibles habiletés physiques. Avec la culture des écrans, la concentration est dispersée, alors qu’avec le livre, l’attention est focalisée sur un seul récit narratif. Cet éparpillement de la concentration nuit à la mémoire événementielle, nécessaire au développement de l’imaginaire et à la capacité de résilience. Dans le processus de développement, opter pour une narration en racontant une histoire avec un avant, un pendant et un après permet de nourrir cet imaginaire, nécessaire à l’équilibre en santé mentale.”

Amnon Jacob Suissa prodigue quelques conseils préventifs pour contrer la cyberaddiction chez nos enfants:

– Mettre les outils technologiques dans une pièce commune pour faciliter davantage les interactions de nos enfants avec leur entourage.

– Tracer des limites, en encourageant nos enfants à fréquenter plus souvent leurs amis et leurs proches.

-Des limites raisonnables à l’usage des technologies numériques sont préférables à une utilisation abusive de celles-ci. Tôt ou tard, le jeune apprendra à s’autoréguler.

“Un usage sans support de sens et de rituel n’est pas un bon indice d’équilibre”, souligne Amnon Jacob Suissa.

– Votre enfant est en ligne. Il ne faut pas paniquer.

“Les relations en ligne font partie intégrante du développement psychosocial des jeunes générations d’aujourd’hui”, rappelle Amnon Jacob Suissa.

– S’assurer de partager les repas avec vos enfants et de faire des activités ensemble…

Sommes-nous impuissants face à ce phénomène technosocial qu’est la cyberdépendance?

“Non et oui, répond Amnon Jacob Suissa. Non, parce que nous pouvons être proactifs et agir en amont. Par exemple, des citoyens préfèrent payer un abonnement mensuel à Facebook plutôt que d’agir comme relais/marchandise pour ce réseau soi-disant gratuit. Oui, car il ne faut pas être naïf. Aujourd’hui, Google et les géants du Web connaissent plus de choses sur nous que divers gouvernements. Ces fameux “cookies” auxquels nous disons oui constituent la matière première qui détecte et enregistre nos données personnelles. Ils nous espionnent et nous catégorisent en vue de cibler nos profils personnels d’achat et nos comportements les plus intimes. Comme citoyens numériques, sommes-nous devenus des pions échangeables entre les géants du Web? Enfin, il faut souligner que si les avantages dépassent largement les inconvénients, il faut demeurer alerte et vigilant car comme le dit la devise: “Savoir plus, c’est risquer moins”.

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