En 1946, plusieurs centaines de jeunes juifs membres des mouvements sionistes du Caire et d’Alexandrie quittèrent clandestinement leur Égypte natale pour se joindre aux troupes d’élite du Palmach, l’un des principaux groupes de la Haganah -Organisation militaire clandestine du mouvement sioniste dans la Palestine mandataire britannique. Maurice Sadeh était du nombre.
Maurice Sadeh, 17 ans, en mai 1948.
Ce Sioniste invétéré, très impliqué bénévolement depuis longtemps au B’nai Brith du Canada, à la Section canadienne du Magen David Adom et à la Fédération Sépharade du Canada, évoque avec une vive émotion la guerre d’indépendance d’Israël, à laquelle il participa aux côtés de ces jeunes juifs égyptiens sionistes de son âge -il n’avait alors que 17 ans-, qui se portèrent volontaires pour défendre l’existence du yishouv, l’État juif embryonnaire de Palestine.
Dans cette guerre très meurtrière, qui changea radicalement la destinée du peuple juif, l’armée israélienne perdit sur le champ de bataille dix pour cent de ses hommes.
“Le 14 mai 1948, lorsque l’État d’Israël fut proclamé, je me trouvais en première ligne de feu en Galilée. La vraie guerre de Libération débuta quelques heures après la déclaration de l’ONU, le 29 novembre 1947, partageant la Palestine en deux États, l’un juif, l’autre arabe. Sitôt le Plan de partage de la Palestine de l’ONU entériné par la Communauté internationale, les Arabes palestiniens rejetèrent massivement ce Plan et ouvrirent les hostilités. Ce fut une guerre intense et cruelle. Les Juifs, encerclés de partout, étaient mal armés. Le trafic était chaotique et très dangereux, surtout sur la route menant de Tel-Aviv à Jérusalem, une ville assiégée, affamée et sans eau, durement bombardée par l’artillerie jordanienne. Du côté israélien, nous manquions totalement d’artillerie et de blindés. Nos uniformes? Shorts et chemises, comme d’habitude!”, raconte Maurice Sadeh.
Le 15 mai 1948 était le dernier jour du mandat britannique sur la Palestine. Le 14 mai 1948, à la veille du Shabbat, David Ben Gourion déclara l’État d’Israël, ignorant les mises en garde des États Unis et d’autres puissances qui l’exhortaient à ne pas poser ce geste, les menaces des pays arabes grandissant.
“Je faisais alors partie du Palmach. Feu Yitzhak Rabin était l’un de nos chefs militaires. Durant les premiers mois de la guerre, en fonction des circonstances, nous étions transférés en autobus d’un coin du pays à l’autre. Le 14 mai 1948, un vendredi soir, nous étions en pleine marche pour occuper le village de Malkié, situé au sommet d’une montagne, à quelques mètres du Liban. Selon nos informations, cette enclave stratégique devait être envahie d’un moment à l’autre par les armées régulières et irrégulières arabes, et ce en grand nombre. Nous tournions en rond depuis quelques heures quand nous avons pris conscience que nous nous étions égarés. Nous avons alors reçu l’ordre de passer la nuit à la belle étoile, le temps d’envoyer des éclaireurs repérer le bon chemin vers Malkié.”
A cette époque, poursuit Maurice Sadeh, les journaux n’arrivaient au front que sporadiquement.
“J’avais suivi les discussions du leadership sioniste ayant trait au nom qu’il fallait donner au nouvel État juif s’il voyait le jour: Eretz Israël, Judée ou Israël? On ne savait pas quel nom serait choisi?”
Les communications radio étaient très difficiles en terrain montagneux.
“La nuit du 14 au 15 mai 1948, je me trouvais près du radio opérateur, qui à force de tourner les boutons dans tous les sens avait réussi à capter la nouvelle que l’État Juif venait d’être fondé. Je lui ai alors demandé candidement: “Quel est le nom de notre État?” À ma grande surprise, il me répondit qu’il n’avait pas bien entendu le nouveau nom donné à l’État juif naissant!”
Le Palmach avait l’habitude d’attaquer de nuit, pour créer un effet de surprise et prendre au dépourvu l’ennemi.
“Malheureusement, cette fois-ci, ce n’est qu’à l’aube que nous sommes montés à l’attaque du village de Malkié. Ce fut ma première grande bataille et ma plus cruelle retraite. Nous étions aux abois. Nous n’avions pas des armes lourdes, ni des pièces d’artillerie puissantes, ni des blindés. Nous ne pouvions même pas compter sur une couverture aérienne. Nous avons été contraints de battre en retraite. Sur les 300 hommes de mon unité, 25 ont été tués, 15 ont été portés disparus et 120 ont été blessés, dont moi-même. Nous nous sommes battus fougueusement au cours de cette première bataille, sans connaître encore le nom du pays pour lequel nous combattions sans relâche.”
Deux semaines plus tard, Maurice Sadeh apprit que son unité allait attaquer de nouveau le même village.
“J’ai quitté mon lit d’hôpital, sans permission, pour rejoindre mon unité. Cette fois, le plan d’attaque avait été modifié. Nous devions pénétrer profondément en territoire ennemi pour surprendre les soldats arabes par l’arrière. Nous avons roulé la nuit, dans un autobus blindé comme d’habitude, de village en village. Les habitants de ces villages nous ont ovationnés bruyamment, nous ayant pris pour des soldats arabes alliés. C’était hilarant!”
Les troupes arabes ont été prises de court par cette attaque éclair. La surprise fut générale. L’unité des combattants du Palmach ne subit aucune perte en vies humaines. Le Palmach fut immédiatement remplacé par une unité de seconde ligne.
“Nous avons maintenu cette ligne de défense et dès l’arrivée de l’autre unité nous sommes immédiatement repartis vers le front de Jérusalem, sans avoir pris une seule minute de repos.”
Durant cette première phase de la guerre, le Palmach a subi des pertes humaines très lourdes: 50% de ses effectifs ont été tués, blessés ou déclarés disparus.
Ce témoignage, nous a confié Maurice Sadeh, vise à rendre hommage à la “contribution modeste” des jeunes militants sionistes sépharades originaires d’Égypte, qui ont participé, “avec une détermination inébranlable et une hardiesse inouïe”, à la création d’un État juif indépendant sur sa Terre ancestrale.
Maurice Sadeh, originally from Egypt, describes his experiences fighting in Israel’s War of Independence.