Tanger, une fin de matinée de la mi-mai.
Au Petit Souk -lieu mieux connu sous l’appellation de Socco Chico-, des vendeurs arborant un sourire radieux convient affablement des dizaines de touristes israéliens à entrer dans leur bazar.
Ils souhaitent chaleureusement la bienvenue en hébreu à leurs hôtes israéliens que des autocars viennent de déverser: Shalom, Baroukhim Abaïm…
Les cars transportant ces touristes israéliens sont sous haute escorte policière motorisée assurée par des agents de sécurité marocains en tenue civile.
À quelques encablures de ces ruelles grouillantes de badauds insouciants, de vendeurs souvent harassants et de touristes hébétés, dans la Calle de la Esnogas –Rue des Synagogues-, des bribes de mélodies liturgiques sépharades onctueuses émanent à travers les interstices de la discrète porte d’entrée d’un des plus vieux lieux de culte juifs de Tanger, la Sinagoga Akiba, restaurée dernièrement par les autorités marocaines.
À l’intérieur, des familles sépharades israéliennes originaires du Maroc, toutes générations confondues -grands-parents, enfants, petits-enfants-, chantent des mélopées puisées dans le riche répertoire liturgique judéo-marocain tout en dansant allégrement autour des Sépharim portés par des hommes.
Ces scènes, qui paraissent totalement irréelles, symbolisent avec éclat la grande “exception marocaine”.
Force est de rappeler que le Maroc est le seul pays arabo-musulman où des visiteurs israéliens sont accueillis cordialement chaque année.
Chaque printemps, plusieurs milliers d’Israéliens de souche marocaine se rendent au Maroc pour pèleriner les lieux saints juifs du pays et prendre part aux Hilloulot -célébration des Tsaddikim.
Cette visite de Tanger était la première escale d’un périple merveilleux au cours duquel on a sillonné plusieurs autres cités majestueuses marocaines: Fès, Ifrane, les villages du Moyen Atlas, Marrakech, Essaouira.
Le Maître organisateur de ce voyage captivant à travers les terroirs du Royaume Chérifien: Max Benaim, lui-même natif de Tanger, représentant de l’Agence de voyages torontoise Avenue Travel Limited.
Ce grand passionné de circuits touristiques fort enrichissants était accompagné par sa charmante épouse, Estrella.
Ce voyage a été une magnifique occasion pour des Sépharades natifs du Maroc et des membres de leur progéniture de revisiter, ou de découvrir pour la première fois, des lieux géographiques et historiques somptueux d’un pays fascinant et fort hospitalier où les Juifs ont vécu pendant plus d’un millénaire.
Ce fut le cas pour Marcia Boni Benarroch, née au Venezuela et qui vit aujourd’hui à Milan, et sa sœur, Claudia Rosen Benarroch, établie à Miami, qui firent ce retour aux sources en compagnie de leurs parents, Jaime et Alegria Benarroch, respectivement natifs de Tanger et de Tetouan, résidant à Caracas; Annette Oliel, leader de la communauté juive de Montréal, qui revisita avec une très vive émotion sa demeure familiale dans sa ville natale de Fès; Samuel Elharrar Goldberg, qui découvrit ébahi pour la première fois Tanger, la ville natale de sa famille maternelle, et se recueillit sur le tombeau de son grand-père, feu Samuel Goldberg, survivant de la Shoah et orphelin, qui trouva refuge à Tanger à la fin de la Seconde Guerre mondiale; Daniel Kaufman Levy, qui arpenta le jardin de la villa où vécut sa famille maternelle, située dans le quartier Marshan…
S’il est une ville au monde dont l’abord est mystérieux, subjuguant, énigmatique, c’est bien Tanger! Porte de l’Afrique et de la Méditerranée, Tanger vous étreint dans les enchevêtrements de ses rues, vous rejette sur les sables de ses plages, vous éclaire de sa lumière azurée…
“Il n’y a pas plus bleu que le ciel céleste de Tanger”, a dit le grand écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun.
Cela faisait vingt-huit ans que je n’avais pas remis les pieds dans ma ville natale.
Le Roi Mohammed VI y séjourne désormais une bonne partie de l’année.
En l’espace de deux décennies, Tanger a connu une véritable métamorphose.
La partie basse de la ville, celle menant au Cap Malabata, est méconnaissable. Des hôtels de luxe, des restaurants et des cafés ultra-branchés, un casino, des milliers de nouvelles maisons… ont essaimé.
La grande avenue bordant la plage est désormais un gigantesque chantier de construction. Les célèbres Balnéaires qui longeaient cette auguste promenade ont tous été démolis –Los Associados, El Neptuno, El Mistral, El Yachting Club…-.
Le Restaurant Elias, jadis casher, où l’on enfournait goulument de succulents pinchitos morunos -brochettes de viande- et keftas -hamburgers-, propose désormais dans son menu une large variété de délicieux poissons.
La Nueva Ibense, le Café valencien célèbre pour son horchata -boisson traditionnelle espagnole- et son granizado de limon, n’existe malheureusement plus. Le glacier Coloma et ses saveurs délicieuses est toujours sis au même endroit, sur l’ancienne Rue Juana De Arco. On se délecte toujours les papilles avec les gâteaux succulents de la célèbre pâtisserie La Española…
L’incontournable Club de tennis l’Emsalah Garden, propriété de l’Hôtel El Minzah, dont les locaux ont été agrandis et modernisés, demeure toujours un lieu de détente très prisé.
Le port, l’un des plus importants d’Afrique, qui a été réaménagé d’une manière impressionnante, connaît depuis quelques années un grand regain d’activité.
On déambule toujours avec immensément de plaisir dans les dédales des quartiers aux fortes senteurs d’épices et de menthe fraîche.
Du côté de la mer Atlantique, la plage des Grottes d’Hercule offre aux visiteurs un panorama sublime à couper le souffle. Le complexe de Robinson a cédé sa place à un lieu de villégiature de haut luxe, le Mirage…
La communauté juive de Tanger, qui comptait 20000 membres en 1956, s’est rétrécie au fil des années comme une peau de chagrin. Il ne reste plus dans cette ville du Nord du Maroc qu’une quarantaine de Juifs.
Dans la seule Synagogue de la ville fonctionnelle, la Sinagoga de Bendrihen, située en plein cœur du Boulevard Pasteur, on peine pour avoir Myniam le Shabbat et les Fêtes juives.
À l’Asile israélite de Tanger -un établissement plus que centenaire qui accueille des personnes âgées sans famille- il n’y a plus que 8 résidents.
Le Casino israélite est toujours ouvert, mais on nous a dit qu’il fermera définitivement ses portes prochainement. Un groupe de femmes octogénaires, qu’on a affublées du sobriquet Las Chicas de Oro -les “Filles en Or”, plusieurs d’entre elles étant des héritières nanties-, et quelques habitués du lieu musulmans s’y retrouvent tous les jours pour jouer au loto ou au poker.
“Ça fait des années qu’on nous dit qu’un jour il n’y aura plus de Juifs à Tanger. Pourtant, nous sommes bien toujours là! De nombreux Juifs tangérois vivant aujourd’hui en France, en Israël, au Canada, aux États-Unis… reviennent régulièrement revisiter leur ville natale. Le lien qu’ils ont gardé avec Tanger est coriace. Leur ville natale est toujours omniprésente dans leur Mémoire. On ne pourra jamais tirer un trait sur l’enfance et la vie très heureuse que les Juifs de Tanger ont vécues”, nous a dit une personnalité marquante de la communauté juive de Tanger, Rachel Muyal, qui a dirigé pendant 25 ans l’une des plus importantes librairies du Maroc, la Librairie des Colonnes.
Max Benaim organisera le printemps prochain un nouveau voyage au Maroc, avec une escale de quelques jours en Espagne.
Pour plus d’informations, le contacter au 1-416-918-0676.
E-mail: [email protected]