CASABLANCA, Maroc — À la périphérie de Casablanca, une somptueuse bâtisse, fort bien réaménagée, abrite le Musée du Judaïsme marocain. Cette institution culturelle, fondée en 1998, est une exception dans le paysage social arabo-musulman. En effet, le Musée du Judaïsme marocain de Casablanca est le seul Musée juif dans le monde arabo-musulman.

Ce Musée, sis dans les locaux transformés de l’ancien Home d’enfants Murdoch Bengio de Casablanca, témoigne du riche patrimoine culturel, liturgique et socio-historique de la Communauté juive du Maroc. On peut admirer des collections d’objets re-pré-senta-tifs de la vie et de la culture judéo-marocaines: objets de culte, habits traditionnels, outillages des métiers archaïques d’antan, livres anciens écrits en hébreu, ouvrages et traités rabbiniques écrits en judéo-arabe -certains datant de plusieurs siècles-…

Ce Musée compte quatre salles d’expo-si-tion présentant des collections permanentes d’objets sacrés, de photos, de peintures… Les Hékhal et autres objets de culte de deux synagogues traditionnelles sont également exposés. Une salle audiovisuelle permet: le visionne-ment de films et de vidéos; de consulter des archives numérisées sur l’Histoire des Juifs du Maroc; d’écouter des enre-gistrements de musique judéo-marocaine.

“En un mot, ce Musée est le Musée vivant d’une Communauté qui est toujours vivante. Il est vrai que la Communauté juive du Maroc a beaucoup diminué en nombre depuis les années 70. Mais, un noyau dur perdure. Par ailleurs, on ne peut pas dire que le million de Juifs marocains vivant aujourd’hui en Israël et dans d’autres pays aient fait table rase de leur passé. Au contraire, ces Communautés continuent dans les pays où elles ont établi leurs pénates à perpétuer le fabu-leux héritage judéo-marocain. Notre Musée est une preuve patente de la grande exception qu’a toujours été pour les Juifs le Maroc”, nous a dit en entrevue le fondateur et directeur du Musée du Judaïsme marocain, Simon Lévy.

Cet ancien militant nationaliste communiste -il fut l’une des principales figures historiques du P.P.S. (l’ancien Parti Communiste marocain), empri-son-né à plusieurs reprises durant le règne de feu le roi Hassan II, dirige aussi, depuis sa création en 1995, la Fondation du Patrimoine culturel Judéo-Marocain. Cette Fondation chapeaute le Musée du Judaïsme marocain de Casablanca.

“Les bouleversements du XXe siècle ont numériquement affecté la Communauté juive marocaine, au point qu’il a fallu créer un instrument pour assurer la sauvegarde d’un parc essentiel de synagogues et de sanctuaires à travers tout le Maroc. Depuis 1995, la Fondation du Patrimoine culturel Judéo-Marocain remplit cette noble mission, tant par la préservation de vieilles institutions cultuelles, culturelles et communautaires que par la collecte et la sauvegarde de tout un pa-trimoine historique…”, -explique Simon Lévy.

Grâce aux efforts conjugués de cette Fondation, des Communautés juives résidant au Maroc et du Conseil des Communautés israélites qui les regroupe, et aussi grâce à l’appui prodigué par de généreux philanthropes de l’étranger, des synagogues et des cimetières ont été restaurés et leur sauvegarde assurée à Fès, Tanger, Tétouan, Arazan, Ighil -N-Ogho, Ifrane (Oufran), Chaouen, Azemmour…

“On a réussi à restaurer huit synagogues, dont trois synagogues rurales en terre battue à Oufran, ville située à 200 kilomètres au Sud d’Agadir. De précieux bijoux archi-tectu-raux et historiques du patrimoine judéo-marocain. Nous essayons aussi de sauver l’une des plus vieilles synagogues du Maroc, la Synagogue des Fassiyine, à Fès. C’est un combat ardu de tous les instants. Nous sommes déterminés à le mener”, ajoute Simon Lévy.

Cet ancien professeur d’Espagnol et de Lingui-stique, à la retraite depuis quelques années, déplore que les écoles marocaines “n’enseignent pas à leurs élèves que le peuple marocain a une composante juive et une part importante de culture juive”.

En effet, dans les manuels d’Histoire du Maroc en circulation, quasiment rien n’est dit de la présence deux fois millénaire des Juifs sur la terre marocaine. Les rares fois où il est évoqué, le Judaïsme reste une notion abstraite coupée de toute réalité, notamment locale. Les manuels de Tarbiyya Islamiyya (éducation islamique) ne sont pas plus diserts sur le sujet, ni même sur la notion pourtant essentielle en islam de Ahl Al Kitab (les Gens du Livre, en l’occurrence les Juifs et les Chrétiens). Ils se contentent de citer, sans aucun éclairage particulier, des versets coraniques où il est question de la Torah, des Évangiles, des Prophètes Abraham, Moïse, Jésus…

“Aujourd’hui, beaucoup de jeunes Marocains n’ont jamais vu un Juif. Ceux qui sont influencés par les islamistes ont une image du Juif fallacieuse et très réductrice: le soldat israélien persécutant des Palestiniens. C’est regrettable que les Juifs n’aient pas encore la place qu’ils méritent, et qui est la leur, dans les manuels d’Histoire du Maroc”, note Simon Lévy.

Les étudiants marocains musulmans visitent-ils le Musée du Judaïsme marocain de Casablanca?

“Oui, les écoles viennent quand on leur assure un moyen de transport. Ce n’est pas facile, ni évident. Par contre, je vois régulièrement des professeurs musulmans qui amènent eux-mêmes leurs élèves dans leur voiture, cinq par cinq. Ils font le va et vient. Leur motivation est remarquable et très encourageante.”

Comment Simon Lévy envisage-t-il l’avenir du Judaïsme au Maroc?

“Malheureusement, les Juifs vivant au Maroc ne sont pas très nombreux. Il nous faut un peu plus de Juifs! Vous, au Canada, vous avez trop de Juifs. Vous devriez nous envoyer quelques-uns. Je crois qu’il fait trop froid au Canada pour les Juifs!”, lance-t-il sur un ton goguenard.

Le Musée du Judaïsme marocain est localisé au 81 Rue Chasseur Jules-Gros, à Casablanca, Oasis. Tél.: 022-99-49-40. Fax: 022-99-49-41.

E-mail: [email protected] Site Web: www.casajewishmuseum.com

The only Jewish museum in the Muslim world is located in Morocco.