Un spécialiste reconnu des questions d’antisémitisme et de racisme, Marc Knobel, chercheur et directeur des Études au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) -instance représentative politique de la communauté juive de France-, tient à mettre en garde les dirigeants et les membres de la communauté juive de Montréal: le terrorisme djihadiste barbare pourrait aussi frapper à n’importe quel moment les Juifs de Montréal, du Québec ou du Canada.
“Ne nous leurrons pas! Tous les Juifs, peu importe où ils se trouvent dans le monde, sont désormais des cibles privilégiées pour les terroristes de Daesch –État Islamique-. J’ai dit aujourd’hui à mes amis Juifs québécois: en France, au mois de janvier 2000, aucun Juif n’aurait pu imaginer ce qui allait se passer au mois d’octobre 2000, une effroyable explosion d’actes antisémites au lendemain de l’éclatement de la seconde Intifada palestinienne. La communauté juive de France a été totalement désarmée face à cette déferlante d’antisémitisme qui nous est tombée sur la tête comme une épée de Damoclès. Nous étions complètement désemparés face à cette terrifiante épreuve qui dure depuis quinze ans”, explique Marc Knobel en entrevue.
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Marc Knobel exhorte les dirigeants de la communauté juive de Montréal à ne pas sous-estimer la menace terroriste djihadiste au Québec et au Canada.
“Je ne dis pas qu’une tragédie semblable à celle qui a endeuillé la France en novembre dernier pourrait se produire prochainement au Québec ou au Canada. Je recommande simplement très fortement aux Juifs de Montréal et du Canada de penser à leur sécurité et à celle de leurs enfants. N’attendez pas qu’une catastrophe vous pende au bout du nez pour réagir. Anticipez, prenez des mesures spécifiques pour protéger les membres de votre communauté. Empêchez incessamment qu’on puisse entrer dans une synagogue ou dans un centre communautaire juif comme on entre dans un moulin. Soyez à chaque instant aux aguets car les terroristes fous furieux de Daesch, qui peuvent frapper impitoyablement à n’importe quel moment, ont une cible prioritaire et privilégiée: les Juifs où qu’ils se trouvent dans le monde.”
La sécurité est un “gage de survie”, ajoute Marc Knobel.
“Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui, nous sommes en guerre. Tous les Juifs sont visés. Les journaux et autres publications de Daesch -traduits en plusieurs langues, dont le français-, qui peuvent être aisément téléchargés sur le site web de cette organisation terroriste, le claironnent véhémentement: “les Juifs sont des mécréants et des créatures ignobles qui doivent être tués et éliminés de la terre”. C’est une menace très lancinante que les Juifs ne doivent pas prendre à la légère. Nous sommes en guerre contre des terroristes fanatiques pour qui mourir, c’est être sublimé. La doctrine de ces barbares est: tuer le maximum de gens, surtout des Juifs”.
Marc Knobel a été vice-président de la LICRA –Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme– et membre de l’Observatoire sur l’antisémitisme. Il remet tous les ans une Étude sur le racisme sur Internet à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Cette Étude exhaustive apparaît dans le Rapport annuel que le CNCDH remet au Premier ministre de France.
Marc Knobel était de passage à Montréal à l’invitation de la Section canadienne de l’Institute for the Study of Global Antisemitism and Policy (ISGAP).
Fondé par le Professeur Charles Asher Small, l’ISGAP est un Institut spécialisé dans l’étude de l’antisémitisme qui a développé des partenariats avec de prestigieuses universités dans plusieurs pays: États-Unis, Canada, Israël, France, Italie, Grande-Bretagne, Espagne…
La Section canadienne de l’ISGAP est dirigée par Michelle Whiteman.
Lors de son bref séjour à Montréal, Marc Knobel a analysé les brûlantes questions de la menace terroriste et de l’antisémitisme en France au cours de deux conférences qu’il a prononcées à l’Université McGill et à la Congrégation Or Hahayim de Côte Saint-Luc.
Ziv Nevo Kulman, Consul général d’Israël à Montréal et pour les Provinces maritimes, a assisté à la conférence que Marc Knobel a donnée à la Congrégation Or Hahayim.
Un an après l’attentat contre le magasin d’alimentation Hyper Cacher et quelques jours après l’agression antisémite d’un professeur Juif à Marseille, entre inquiétude et colère, beaucoup de Juifs de France sont en plein désarroi et se posent de graves questions sur leur avenir.
“Aujourd’hui, dans la communauté juive de France, il y a une peur, un sentiment d’insécurité, un désarroi. Les Juifs se posent beaucoup de questions. Un tiers des Juifs de France -la communauté juive de France est estimée à environ 500000 personnes pour une population de 66 millions d’habitants, c’est-à-dire un peu moins de 1% de la population française- disent qu’ils réfléchissent à leur avenir et que peut-être, malheureusement, ils seront obligés de partir parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité en France”, dit Marc Knobel.
Les statistiques sur les actes antisémites perpétrés en France depuis l’an 2000, égrenées par Marc Knobel au cours de notre entretien, sont effarantes.
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Depuis le 15 octobre 2000, date du début de la seconde Intifada palestinienne, jusqu’à aujourd’hui, 8000 actes et agressions antisémites ont été recensés par le ministère français de l’Intérieur.
En 2014, 851 actes antisémites ont été perpétrés, 51% du total des actes racistes commis en France cette année-là. En 2015, les actes antisémites ont baissé de 5%. 806 actes contre des Juifs ont été commis, soit 40% des actes racistes perpétrés sur le territoire français cette année-là.
“Nous sommes aujourd’hui encore une fois dans des hauts de courbe. La recrudescence de l’antisémitisme en France est liée au conflit israélo-palestinien, au renforcement des stéréotypes antijuifs au sein de la population arabo-maghrébine et à d’autres phénomènes complexes. Résultat sinistre: aujourd’hui, en France, il y a un risque d’être agressé lorsqu’on porte une kippa sur la tête. À Marseille, un adolescent de 15 ans a essayé de tuer à coups de machette un professeur Juif qui arborait la kippa. Arrêté et mis en examen, ce jeune d’origine turque a déclaré sans la moindre gêne lors de son interrogatoire qu’il “avait honte de ne pas avoir pu assassiner ce Juif”. Chose certaine: ces jours-ci, les Juifs de France envisagent l’avenir dans leur pays avec crainte et scepticisme.”
