La médecine et la recherche médicale la passionnent.
C’est avec un enthousiasme irrépressible et une grande éloquence que la Dr Guila Delouya nous parle de ces deux créneaux où elle se distingue notoirement.
Mariée et mère de quatre garcons, l’aîné a presque 18 ans, le benjamin a 7 ans, cette Sépharade, diplômée de l’École Maïmonide, nommée cet été Chef du Service de radio-oncologie du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), a un parcours universitaire et professionnel très impressionnant.
Diplômée en droit de l’Université de Montréal, la Dr Guila Delouya a réorienté sa carrière en médecine en 1998. Elle a poursuivi ensuite des études postdoctorales jusqu’en 2011. En 2014, elle a obtenu une maîtrise en sciences biomédicales à l’Université de Montréal.
Cette médecin radio-oncologue, spécialisée dans le traitement du cancer de la prostate, a suivi une formation en curiethérapie de la prostate à l’Université d’Utah et en curiethérapie du sein au Arizona Breast Cancer Specialists.
La curiethérapie est un traitement médical basé sur la pose d’implants radioactifs.
Depuis 2014, la Dr Guila Delouya est présidente du comité de philanthropie du Département de radio-oncologie du CHUM et membre du Conseil d’administration de la Fondation québécoise du Cancer (FQC).
Elle est aussi membre scientifique du Comité d’éthique du Centre de Recherche du CHUM (CRCHUM) et chercheuse au CRCHUM et à l’Institut du Cancer de Montréal, où elle poursuit ses recherches principalement sur le cancer de la prostate.
La Dr Guila Delouya est aussi professeure adjointe de clinique au Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de l’Université de Montréal et, depuis 2012, présidente du Comité organisateur du cours préparatoire à l’examen de certification en radio-oncologie du Collège royal pour les résidents.
Sa récente nomination à la tête du Service de radio-oncologie du CHUM est le fruit de longues années d’étude, de labeur et de sacrifices.
“J’ai étudié sans arrêt pendant une vingtaine d’années. Durant mes études en droit, je rêvais de devenir un jour médecin et de me spécialiser en radio-oncologie. J’ai donné naissance à mes deux premiers enfants pendant que j’étais étudiante en médecine. Le soutien de mon merveilleux époux et de ma magnifique famille a été précieux pour moi. Je ne serais jamais arrivée à compléter ma formation médicale sans leurs appuis et leurs encouragements constants. Ce furent de très longues années d’étude parsemées d’énormes sacrifices personnels, et aussi d’embûches qui me paraissaient parfois insurmontables”, raconte la Dr Guila Delouya en entrevue.
Elle n’hésiterait pas une seule seconde si elle devait refaire son parcours académique et professionnel, nous confie-t-elle.
“J’ai l’auguste privilège de pratiquer le plus beau métier du monde, et le plus gratifiant aussi. Il m’est difficile d’expliquer la joie et le sentiment de profonde fierté qu’on ressent quand un patient vient dans votre bureau pour vous remercier de l’avoir soigné ou de lui avoir sauvé la vie.”
La recherche médicale la fascine. Elle y consacre une journée entière par semaine.
Elle explore de nouvelles voies susceptibles d’améliorer la qualité de vie des patients atteints d’un cancer de la prostate.
“J’essaye de personnaliser les traitements au niveau radio-oncologique. Je suis en train de créer une nouvelle “biobanque”, qui sera constituée de fragments de cancers que je prélève durant mes séances de curiethérapie. Mon but est de trouver des biomarqueurs pour comprendre pourquoi certains patients répondent mieux que d’autres aux traitements”, explique-t-elle.
Très nombreux sont aujourd’hui les Québécois exaspérés par la lenteur et les failles de notre système de santé. Quelle est actuellement la plus importante lacune de ce système?
“Il faut impérativement régler le problème de l’accès aux soins de première ligne, c’est-à-dire l’accès à un médecin de famille. Régler ce problème récurrent permettra de désengorger notre système de santé. Moi-même, dans ma pratique médicale quotidienne, je suis des patients atteints d’un cancer de la prostate qui n’ont pas encore un médecin de famille. Je suis alors obligée d’assumer un rôle dont je n’ai pas toute l’expertise requise, celui du médecin de famille. Je suis une experte en cancer de la prostate, pas une spécialiste en diabète, en hypertension…”
D’après la Dr Guila Delouya, l’une des grandes tares du système de santé québécois est le manque de ressources.
“C’est très dur pour un médecin de travailler dans un système médical où il y a des carences de ressources professionnelles et matérielles.”
Par exemple, quand elle doit traiter un patient souffrant d’un cancer de la prostate avancé, dont le taux d’APS -Test de l’antigène prostatique spécifique- est 60, elle doit absolument savoir si celui-ci est localisé à la prostate ou s’il est métastatique avant de lui prodiguer un traitement. Il devra donc passer des examens d’imagerie, incluant souvent une IRM -Résonance magnétique-.
“Quand j’appelle au Service des IRM, on me répond que le patient en question ne sera pas sur la liste des patients prioritaires parce qu’il y a des malades atteints d’un cancer du poumon qui sont plus prioritaires que lui. La patiente souffrant d’une terrible douleur au dos, à qui on a demandé de passer une IRM, devra attendre environ un an, et même plus, avant de subir cet examen. Son état ne fera alors que s’aggraver. Pourquoi cette patiente est-elle considérée moins prioritaire que le malade atteint d’un cancer du poumon ou d’un cancer de la prostate? C’est un cercle vicieux.”
D’après la Dr Guila Delouya, l’abolition des frais accessoires chargés aux patients par certains médecins aura pour conséquence d’allonger les listes d’attente dans les hôpitaux car les patients n’auront plus l’option de subir un test, comme une coloscopie ou une IRM, dans une clinique privée.
Mais le recours à un service médical privé n’est sûrement pas la panacée miracle susceptible de régler les dysfonctionnements d’un système de santé public, avertit-elle.
“J’ai travaillé aux États-Unis. Je n’aimerais pas du tout travailler dans un système de santé complètement privé. Il faudrait trouver un juste milieu. En Amérique, la première question qu’un médecin pose à son patient est: qui est votre assureur? Les soins que vous recevrez seront déterminés en fonction du type d’assurance dont vous bénéficiez. Au Québec, quand un patient vient me consulter, je lui donne toutes les options qui peuvent lui être proposées sans égard à ce qu’elles coûtent.”
Quels conseils la Dr Guila Delouya prodiguerait-elle à un étudiant aspirant à devenir un jour médecin?
“Il faut absolument qu’il éprouve une ardente passion pour ce métier et qu’il soit près à faire de nombreux sacrifices personnels. S’il est en quête d’une profession lucrative, il fera certainement plus d’argent en exerçant un autre métier : avocat, entrepreneur… La compétition est de plus en plus rude pour être admis en médecine. Lors du processus de sélection, il devra compétitionner avec des élèves qui ont atteint un très haut niveau d’excellence.”