David Bezmozgis est indéniablement l’un des plus talentueux écrivains canadiens anglophones.
Né en 1973 à Riga, en Lettonie -ancienne République de l’URSS-, il a émigré avec ses parents au Canada en 1980.
Ce brillant romancier et nouvelliste vit aujourd’hui à Toronto avec son épouse et leurs deux enfants.
Son premier recueil de nouvelles, Natasha et autres histoires -disponible en français dans la Collection “Poche” 10/18-, a été sélectionné par le New York Times comme un des meilleurs livres de l’année 2004 et s’est mérité le prestigieux Prix littéraire Commonwealth Writer’s Prize for Best First Book.
Son roman Le Monde libre –Collection “Poche” 10/18, 2014-, traduit en douze langues et unanimement encensé par les critiques littéraires anglo-saxons et francophones, a figuré sur la Shortlist du Giller Prize, le plus renommé des Prix littéraires au Canada.
Après Le Monde libre et Natasha et autres histoires, David Bezmozgis poursuit sa radiographie des peuples juifs d’Europe de l’Est, tenaillés entre crises identitaires, trahisons et remords, dans un roman dense et fascinant où il aborde frontalement la sempiternelle question israélo-palestinienne, Refuznik -la traduction française de ce roman a été publiée par les Éditions Belfond.
Fuyant Israël pour échapper à un scandale politique, Baruch Kotler n’imaginait pas un seul instant la rencontre inopinée qui l’attendait. Face à lui, dans un petit meublé miteux de Yalta, Vladimir Tankilevitch, son ancien camarade de chambre à Moscou. Le traître.
Trente ans ont passé, mais la blessure est toujours béante. Vladimir était son ami, il l’a pourtant dénoncé. C’est à cause de lui que Baruch a été condamné pour espionnage et envoyé au Goulag. Quinze ans de torture impitoyable.
Mais Vladimir n’est que l’ombre de celui qu’il était. Si Baruch a réussi à quitter l’URSS pour devenir un politicien charismatique jouissant d’une grande popularité en Israël, son ex-ami, lui, a été exilé à Yalta, où il vivote misérablement et noie ses peines dans des bouteilles de vodka.
Et pourtant, Baruch n’a-t-il pas trahi lui aussi? Parce qu’il a fermement manifesté son désaccord à la Knesset quant au démantèlement des colonies israéliennes établies en Cisjordanie, sa liaison adultère avec une jeune Israélienne de trente ans sa cadette a été révélée au grand jour.
Qui mérite l’estime et qui mérite l’opprobre? Le pardon est-il possible?
C’est la vie du célèbre dissident Juif russe Nathan Sharansky qui a inspiré à David Bezmozgis le modèle du personnage principal de son roman, Baruch Kotler.
Tous les deux ont été internés pendant plusieurs années au Goulag et sont devenus des héros en Israël après avoir été des Refuzniks mondialement célèbres.
La question qui est au cœur de ce roman très captivant est un dilemme capital qui remonte à la Nuit des Temps: la question morale, nous a précisé David Bezmozgis au cours de l’entrevue qu’il nous a accordée lors de son dernier passage à Montréal.
“La question morale est une question philosophique plurimillénaire qui continue à tarauder l’humanité, dit-il. Cette question lancinante nous ramène constamment aux racines de la philosophie morale et, particulièrement, au concept élaboré par le philosophe grec Platon: “Qu’est-ce qu’être bon?” Que signifie réellement “être bon” quand, à l’instar du héros de mon livre, Baruch Kotler, on est confronté à des situations extrêmes? Dans des contextes ardus et sombres, les notions de “bon” et de “mauvais” sont souvent des euphémismes évanescents.”
Vivant au Canada depuis l’âge de 6 ans, pourquoi David Bezmozgis relate-t-il dans ses livres uniquement des récits ayant comme cadre la Russie, la Lettonie, l’Ukraine… ou Israël?
“Je suis né dans l’ancienne Union soviétique. Je suis arrivé au Canada avec ma famille quand j’étais enfant. J’ai grandi dans une maison d’immigrants. Chez moi, on parlait seulement le russe. Chez mes grands-parents, on parlait le russe et le yiddish. Si j’ai choisi d’écrire des récits sur les peuples juifs russe et d’Europe de l’Est, c’est parce que je suis toujours fortement connecté à l’Histoire et aux langues de ces pays. Cet endroit du monde me fascine parce que dans ces terroirs enfiévrés les conflits historiques n’ont pas encore été résolus.”
Des antagonismes séculaires continuent d’opposer des peuples ayant vécu sous la férule de l’URSS, rappelle David Bezmozgis.
“Quand on vit au Canada, on a souvent l’impression qu’il est possible de tourner définitivement la page du passé et d’une Histoire regorgeant de tragédies et de souffrances. Mais, la réalité hideuse qui sévit en Europe de l’Est et au Moyen-Orient nous rappelle tous les jours à quel point les haines tribales persistent toujours dans ces pays dévastés par des conflits interethniques interminables.”
David Bezmozgis se définit comme un “écrivain Juif russe”.
L’ethnicité et la nationalité sont deux questions-clés qu’il aborde crûment dans ses livres.
“L’identité et l’ethnicité sont deux réalités criantes qui nous collent à la peau durant toute notre vie. Ce n’est point étonnant que dans beaucoup de pays on assiste aujourd’hui à des débats sur l’identité nationale très virulents.”
Diplômé en Littérature anglaise de l’Université Mcgill, David Bezmozgis aime beaucoup Montréal.
Ce romancier à succès est aussi un cinéaste talentueux ayant à son actif la réalisation de plusieurs longs métrages fort bien accueillis par la critique et le public. Il vient de réaliser un film basé sur son livre Natasha et autres histoires actuellement à l’affiche au Canada.