Les ventes d’armes américaines vers les pays musulmans du Moyen-Orient sont quatre fois plus élevées que vers Israël, rappelle l’essayiste français Armand Laferrère dans un petit livre brillant et fort salutaire, où il s’emploie à mettre en charpie une litanie de préjugés tenaces ressassés par les hérauts de l’antiaméricanisme -L’Amérique est-elle une menace pour le monde? (Éditions JC Lattès, 2008)-.
Dans un chapitre intitulé “Les États-Unis menacent la paix du Moyen-Orient par leur soutien inconditionnel à Israël”, l’auteur réfute avec perspicacité les préjugés et les allégations réductrices entourant la relation entre Israël et l’Amérique.
Les alliances musulmanes représentent aujourd’hui pour les États-Unis un enjeu bien plus important en quantité que leur alliance avec Israël. D’Après l’Institut suédois international de Recherche sur la Paix (S.I.P.R.I.), une organisation pacifiste, le total des transferts d’armes américaines vers neuf pays du Moyen-Orient (Bahrein, Égypte, Jordanie, Koweit, Oman, Pakistan, Arabie Saoudite, Turquie et Émirats Arabes Unis) a représenté 20,8 milliards de dollars entre 1997 et 2006, contre 5,6 milliards de dollars pour Israël. Deux pays, l’Égypte et la Turquie, ont chacun reçu davantage d’armes américaines qu’Israël.
“Ces chiffres semblent assez difficilement conciliables avec l’idée d’une Amérique foncièrement hostile à l’Islam”, souligne Armand Laferrère.
D’après ce fin connaisseur des États-Unis et des relations internationales, élément parmi d’autres de la politique américaine d’influence au Moyen-Orient, l’alliance entre Washington et Jérusalem n’y joue pas un rôle essentiellement différent des alliances que l’Amérique a scellées avec les pays musulmans.
“Les États-Unis vendent des armes à l’État d’Israël et lui fournissent une assistance militaire. Cette coopération militaire contribue à garantir la survie d’Israël malgré l’hostilité de ses voisins -une survie dont on peut difficilement contester, sauf à donner aux mots le contraire de leur sens, qu’elle contribue à la stabilité du Moyen-Orient. En échange, l’Amérique obtient d’Israël des renseignements sur la région. Enfin, pour ne pas déstabiliser la région, les États-Unis incitent régulièrement l’État juif à une politique aussi conciliante que possible envers ses voisins”, explique Armand Laferrère.
D’après l’auteur, pour les États-Unis, une politique de stabilité au Moyen-Orient ne peut donc pas simplement exiger toujours plus de concessions de la part d’Israël. Elle doit à la fois chercher l’apaisement des tensions présentes et garantir une paix futur à tous les pays de la région, en combinant partage des terres et arrangement de sécurité.
“La mise en oeuvre d’une telle combinaison est extrêmement compliquée, car les deux objectifs sont largement contradictoires: lorsqu’une terre est transférée aux Palestiniens, qui garantit qu’elle ne sera pas utilisée pour une nouvelle guerre contre l’État d’Israël? Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le conflit israélo-palestinien se prolonge. Ce n’est pas le signe d’une partialité américaine: c’est simplement la preuve qu’il n’y a pas de moyens simples pour stabiliser le Moyen-Orient.”
Selon Armand Laferrère, les objectifs de l’alliance avec Israël -maintien de l’influence américaine et stabilité régionale- ne sont pas différents de ceux des autres alliances américaines au Moyen-Orient.
“Et pourtant, parmi les alliés des États-Unis, Israël occupe une place à part dans le coeur des Américains.”
Parmi tous les alliés des États-Unis, ajoute-t-il, Israël est celui qui a montré la solidarité la plus indiscutable avec l’Amérique.
“Les autres alliés ont souvent des opinions publiques plus ou moins hostiles aux États-Unis. Il arrive que leurs gouvernants encouragent activement l’amériphobie. C’est très fréquent dans le monde arabe mais aussi, à l’occasion, en Europe et en Asie, écrit-il. L’opinion publique israélienne, au contraire, est aussi massivement pro-américaine que l’opinion américaine est pro-israélienne. Pour ne prendre qu’un exemple, après les attentats du 11 septembre 2001, les populations “alliées” des pays arabes ont manifesté soit de l’indifférence, soit de la joie. Les Israéliens, eux, ont multiplié les signes de sympathie à l’endroit des Américains. En Israël, les États-Unis savent qu’ils n’ont pas seulement un allié mais un ami.”
Israéliens et Américains ne se contentent pas d’avoir un passé similaire: ils ont construit des sociétés fondées sur les mêmes valeurs, rappelle Armand Laferrère.
“Israël, comme l’Amérique, est une démocratie profondément attachée à la liberté de parole, à l’État de droit, à l’égalité des individus et à l’égalité des sexes. Cette communauté de valeurs et de mode de vie permet à l’alliance israélo-américaine d’être plus qu’un arrangement de pouvoir: une vraie fraternité.”
“Ces raisons expliquent pourquoi, alors même que la politique étrangère des États-Unis ne distingue pas Israël des autres alliances américaines du Moyen-Orient, l’État juif a une place privilégiée parmi les alliés de l’Amérique”, conclut Armand Laferrère.
In a recent book, French author Armand Laferrère talks about how U.S. involvement in the Middle East affects Israel.