Une histoire des Saints juifs du Maroc

Maroc, Terre des Saints. Histoire et Origine des Saints juifs du Maroc est un livre imposant et érudit qui contribuera indéniablement à enrichir la recherche historiographique consacrée à l’histoire du patrimoine religieux et historico-culturel, plusieurs fois millénaire, du Judaïsme marocain.

Élie Azoulay

L’auteur de cette remarquable somme historique, Élie Azoulay, a consacré plusieurs années de recherches intensives à ce sujet qui le passionne depuis qu’il était enfant. Il souhaite ardemment que ce livre évoquant un pan cardinal de l’histoire du Judaïsme marocain soit lu par la jeune génération.

“Si cet ouvrage est lu par la jeunesse juive sépharade issue de parents marocains, qui ne connaît du Maroc et de ses Saints que très peu de choses sinon rien, s’il atteint cette génération totalement assimilée aux us et coutumes du pays où elle est née et prédestinée à être le maillon nécessaire pour la sauvegarde de l’identité et du patrimoine juifs marocains, alors les années de travail acharnées que j’ai dédiées à la rédaction de ce livre n’auront pas été vaines. J’aurai alors atteint mon but et j’en tirerai ma plus grande satisfaction. Aujourd’hui, à une époque où la mondialisation culturelle bat son plein, beaucoup de Communautés se battent fougueusement pour préserver leurs particularismes religieux, culturels, historiques… Bon nombre de jeunes Sépharades d’origine marocaine méconnaissent la richesse du patrimoine cultuel, liturgique et socio-historique que leurs ancêtres leur ont légué. En Israël et dans certaines Communautés juives marocaines de la Diaspora, c’est le cas à Montréal, des Associations culturelles et des Synagogues judéo-marocaines s’escriment à perpétuer ce merveilleux héritage. Tout n’est pas perdu! Il faut poursuivre sans relâche ce travail éducatif, surtout auprès de nos jeunes, pour assurer une pérennité aux traditions religieuses, liturgiques et culturelles judéo-marocaines”, explique en entrevue Élie Azoulay.

Cette synthèse historiographique fascinante est une rétrospective de l’histoire et de la destinée très singulières de 46 Saints et 23 Saintes choisis, non sans peines, parmi les 656 Tsaddikim recensés au Maroc. Rabbi Shimeon Bar Yohaï, Rabbi Meïr Baal Haness, Rabbi David Draa Halévy, Rabbi Yaacov Abouhatseira, Rabbi Israël Abouhatseira -mieux connu sous le pseudonyme de Baba Salé-, Rabbi Haïm Pinto Hagadol, Rabbi Haïm Pinto Hakatane, Rabbi Raphaël Encaoua… Lalla Solica Ha-Tsadika, Rabbi Itzhak Bengualid, Rabbi Mordechaï Bengio, Rabbi Shlomo Ben Lhens, Rabbi Abraham Aouriour, Rabbi Pinhas Ha-Cohen, Rabbi Yahia Lakhdar… sont quelques-uns des 46 Tsaddikim qui ont sensiblement forgé le caractère très spécifique du Judaïsme marocain.

“J’ai essayé modestement dans ce livre de retracer les vies inouïes de ces éminentes figures ayant occupé une place prépondérante dans la Sainteté juive au Maroc et d’évoquer leur gloire passée et les souffrances indicibles qu’elles ont endurées. J’ai énuméré, avec le plus de précisions possibles, les miracles attribués à ces Saints et ces Saintes, en me basant sur des témoignages ou des récits d’ouvrages d’historiens crédibles”, précise Élie Azoulay.

En introduction, l’auteur rappelle les origines de la Hilloula, cérémonie religieuse dédiée initialement à la Mémoire d’un grand Maître du Judaïsme, Rabbi Shimon Bar Yohaï. Le terme Hilloula est un mot araméen signifiant “noces”. C’est la célébration des noces du Saint avec la Torah. L’origine de la Hilloula remonte au temps de l’Empereur Hadrien, en l’an 120 après J-C. Par décrets, ce gouvernant à la poigne de fer interdit à tous les Juifs vivant dans l’Empire romain, sous peine de mort, la pratique des Lois juives, du repos du Shabbat, de la circoncision, de la pureté familiale, de l’étude juive ainsi que le pèlerinage à Jérusalem. Rabbi Shimon Bar Yohaï, disciple de Rabbi Akiva Ben Youssef et collègue de Rabbi Meïr Baal Haness, outré par l’adoption de ces mesures abjectes et discriminatoires, voyagea à Rome en compagnie de Rabbi Eliezer et de Rabbi Yossi pour demander l’annulation des décrets promulgués par l’Empereur Hadrien. En l’an 148, Rabbi Shimon Bar Yohaï fut condamné à mort par contumace par Rome pour avoir critiqué ces injonctions impériales romaines. Il fut contraint de s’exiler avec son fils Éliezer dans la grotte de Pkiin, en Galilée. Pendant son exil, il écrivit le Sefer Ha-Zohar ou Livre de la Splendeur, plus communément appelé le Zohar…

La présence de Tsaddikim sur les terroirs de ce qui allait devenir quelques millénaires plus tard le Royaume chérifien remonte à l’époque de la destruction du premier Temple par Nabuchodonosor, en 586 avant J.-C.

“Depuis l’existence du premier et du deuxième Temples, le Maroc a vu son sol foulé par 84 Saints venus de Jérusalem et enterrés dans différents endroits à travers le pays. Ces Tsaddikim ont établi leurs pénates dans cette contrée maghrébine avant que la religion musulmane n’apparaisse. Ils se sont exilés pour fuir les persécutions effroyables dont ils étaient victimes, ou bien par force car déportés malgré eux avec des milliers de Juifs pour être assimilés aux peuples vivant dans les provinces de l’Empire romain, ou bien encore par choix pour collecter des fonds pour aider les Communautés juives établies en Terre sainte, accablées par les asservissements et la famine. Parmi eux: Rabbi Amram Ben Diwan, Rabbi Draa Halévy, Rabbi David Ou Moshé…”

Des recherches rapportent que Rabbi Yehia Lahlou est arrivé sur les terroirs marocains à l’époque du premier Temple de Jérusalem. Des chercheurs ont découvert aussi que les parchemins du Sépher Ait Itshak ont été préservés et emportés au Maroc après la destruction du premier Temple…

Qu’est-ce qui conférait à ces illustres figures de proue du Judaïsme marocain une aura de Sainteté?

“Ces grands Maîtres de la Torah, qui vivaient dans le plus grand dénuement -il ne faut pas oublier qu’à cette époque, les Communautés juives du Maroc vivaient dans un contexte de très grande pauvreté-, étaient des êtres humains exceptionnels qui se distinguaient par leur immense dévotion envers les personnes et les familles les plus nécessiteuses de leur Communauté. Dieu leur a donné un don et des vertus particulières pour prodiguer leurs bénédictions aux êtres affligés par la maladie. Ces bénédictions reflétaient avec force leur Émouna en le Tout-Puissant. Certains de ces grands Maîtres des Écritures sacrées juives ont été proclamés Saints de leur vivant. Ils ont eu une vie difficile, ascétique et entièrement dévouée à l’étude de la Torah et à la Tsédaka. Ces Saints ont profondément marqué le Judaïsme dans les villes marocaines où ils ont vécu. Leurs traces sont toujours très ostensibles dans ces cités.”

Certains de ces grands Tsaddikim sont vénérés, pélérinés et célébrés aussi bien par les Juifs que par les Musulmans du Maroc, rappelle Élie Azoulay.

Enfant, alors qu’il n’avait que dix ou onze ans, Élie Azoulay a été très marqué par les pèlerinages de Saints auxquels ses parents l’emmenaient.

“Ces réminiscences resteront gravées dans ma mémoire jusqu’à la fin de mes jours, dit-il avec un brin de fierté. La ferveur, la foi et la dévotion des pèlerins juifs et musulmans est indescriptible. Il y avait toute une préparation religieuse et psychologique avant d’entamer ces pèlerinages. Il fallait être prêts mentalement. Certains jeûnaient avant d’aller pèleriner ces Tsadikkim.”

On ne peut que souhaiter que le livre remarquable et très pédagogique que vient de commettre Élie Azoulay soit lu par les élèves des écoles sépharades.

“Tout au long de l’écriture de cet ouvrage, le fruit de mon travail m’a mené à la recherche de ma Mémoire. Je ne connaissais que par bribes l’histoire de nos Saints et voilà que, durant les trois années de recherche que j’ai consacrées à la rédaction de ce livre, la fascination s’est emparée de moi et, jusqu’à la dernière lettre, ne m’a point lâché, dit-il. Mon plus grand désir est de voir ceux qui, comme moi, ont la Mémoire brisée ou sont stigmatisés dans leur identité ressentir le même enchantement et être en mesure, grâce à ce livre, d’approfondir leurs connaissances. Les Juifs marocains n’ont pas le droit de laisser tomber dans l’oubli le précieux patrimoine religieux et culturel que leurs aïeux leur ont transmis en bravant de grandes menaces. C’est dans la perpétuation de ce fabuleux patrimoine que réside notre avenir et celui de nos enfants et petits-enfants.”

Né en 1947 à Casablanca, où il a obtenu un diplôme de l’École des Beaux-Arts, ancien professeur de dessin technique et de haute couture à l’École professionnelle israélite de Casablanca, Élie Azoulay est un homme d’affaires vivant à Montréal depuis 1973. Il est activement impliqué bénévolement au sein de la Communauté sépharade de Laval, dont il a été le président. Il est passionné d’Art, d’Histoire et d’Archéologie.

Pour plus d’informations sur ce livre, contacter Élie Azoulay: [email protected]

In an interview, Élie Azoulay talks about his recently published book, a history of the Jewish saints of Morocco.